Légende du Seigneur de Lunas

LUNAS TROUPAT M'AS - LUNAS TU M'AS TROMPé

Cette version nous est donnée dans un cahier manuscrit où Madame Valentine GUERRE, épouse MAISTRE, (1870 - 1954), a noté différents écrits concernant Lunas. Voici ce texte :

" Il existe à Lunas une légende qui a donné naissance à cet adage : « Lunas troumpet mas » c'est-à-dire le seigneur de Lunas trompa le diable. La voici :

    Alors que les hautes murailles de l’antique château couvraient le sommet du Redondel et que les seigneurs féodaux se prenaient de querelle sous le moindre prétexte, il advint que le châtelain de Lunas trop batailleur de sa nature, fut abandonné de la fortune et tomba entre les mains de son ennemi qui l’enferma dans un étroit cachot où il languit de longs mois attendant que sa femme envoyât la rançon qui devait le racheter.

    Mais l’infidèle pendant ce temps ne pensait qu’à mener joyeuse vie et déjà même elle songeait à convoler à de secondes noces lorsque le diable voulant gagner à lui le seigneur de Lunas va le trouver dans son triste réduit : « mon ami, lui dit-il apprends une fâcheuse nouvelle, ta femme fatiguée d’attendre ton retour doit se marier demain ; il ne te reste qu’un moyen pour l’empêcher : livre-moi ton âme et tu seras libre ». Le prisonnier repousse énergiquement une telle proposition. « Eh bien soit, reprend le diable, je briserai tes fers à ces deux conditions : la première c’est que tu m’accordes chaque année la grunade, les grains de raisin tombés à terre dans la vigne de Madame ainsi que le regain, lou « regoulubre », du pré Mégé et du pré Coquerel près de Sourlan ; la deuxième c’est que je deviendrai le maître absolu de la première personne que tu embrasseras en entrant dans ton château ». Le seigneur y consentit. L’esprit des ténèbres brise alors ses chaînes, l’enlève à travers l’espace et le dépose libre dans la campagne. Mais se ravisant il lui lie les mains derrière le dos pour l’empêcher de faire le signe de croix. Les deux compagnons prennent ensuite la route du château où ils arrivent à la tombée de la nuit. Ils entrent sans se faire annoncer dans la grande salle où de nombreux convives s’apprêtaient à faire honneur au festin de noces. Tout à coup le sire de Lunas épris d’amour pour son épouse infidèle oublie son juste ressentiment et le pardon à la bouche, il veut se jeter dans ses bras. C’en était fait de la châtelaine, elle allait appartenir au diable lorsque le captif, se rappelant sa promesse trop légère, se retourne à la hâte, embrasse une grosse pierre placée à côté de la porte d’entrée et comme ses mains n’étaient pas libres, fait avec la tête le signe de la croix. Le diable furieux d’être dupé s’enfuit en poussant d’horribles clameurs. Il emporta, comme une mince paille, la pierre qui avait reçu l’accolade du sire de Lunas et la déposa sur la promenade en avant de l’ église où on la voit encore. On l’appelle dans le pays « la peira d’au plan ».

    Le sire de Lunas apparut rayonnant de joie à son épouse stupéfaite, débarrassé de ses liens il l’embrasse et raconte à l’auditoire ses souffrances, sa longue captivité et son pacte avec le démon. Puis, sur son invitation, chacun prend place autour de la vaste table, le festin de noces devient ainsi le festin du retour. Il n’y eut d’attristé que le futur conjoint de la châtelaine qui se résigna à aller chercher fortune ailleurs.

    Afin de conserver le souvenir d’une aussi merveilleuse aventure, on créa l’adage si connu de nos jours : « Lunas trompa Mas ». Il paraît que le diable n’a pas renoncé à ses droits sur les prés Mégé et Coquerel ni sur la vigne de Madame. Parfois lorsque les verts pâturages tombent sous la faux du travailleur, un vent subit enlève la récolte. Il y a encore peu d’années encore une terreur superstitieuse s’attachait à la vigne de Madame. C’est que sur elle, planaient sans cesse des vautours et des corbeaux attirés par les cadavres des animaux que l’on abattait à côté. Le vulgaire croyait que ces oiseaux étaient envoyés par le diable pour dévaster cette vigne, maintenant transformée en prairie et située à côté du moulin de Passero."

Nous remercions Philippe de FIRMAS qui nous a donné accès aux écrits de sa grand'mère.

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