Pierrot le Fou à Lunas...

   À la fin de la seconde guerre mondiale, Lunas fait la une de l’actualité... Une tentative de hold-up à la Poste échoue, car, prévenu par l’alarme, Jules Nivoliès, le voisin, intervient : les gangsters prennent la fuite !

   Ce qui donne à l’affaire une ampleur inattendue c’est la personnalité du chef de gang : il s’agit de l’ennemi public numéro 1 de l’époque... Pierrot le Fou !

   Aussitôt, la gendarmerie est sur les dents. Les voyous quittent rapidement Lunas, abandonnant un véhicule qui sera mis sous scellés à Passero.

Philippe de Firmas raconte :

« Jeune, avec mes frères, nous allions quelquefois jusqu’à la boulangerie (c’est ainsi que l’on appelait le grand hangar laissé par les Chantiers de Jeunesse) pour voir une splendide Renault noire à calendre en V, modèle Vivastella 20 chevaux, 6 ou 8 cylindres. La gendarmerie du Bousquet n’ayant pas de fourrière l’avait entreposée là ».

   Né en 1916 dans la Sarthe, Pierrot le Fou, de son vrai nom Pierre Loutrel, a un caractère violent et instable. Aventurier, il s’embarque à 15 ans sur un navire marchand pour faire le tour du monde.

   Il effectue son service militaire aux bataillons d’Afrique, unités très particulières à la discipline digne de celle d’un bagne. À son retour vers 1940, il fréquente les petits truands de la région parisienne.

   Il s’engage dans la Gestapo française (la Carlingue) aux côtés de malfrats, de proxénètes et de condamnés de droit commun. Entre 1941 et 1944, il mène la grande vie, se déplace dans de belles voitures et s’enrichit. Les Allemands voient en lui un individu incontrôlable, très souvent ivre, réglant ses comptes au P.38… Sentant le vent tourner, Loutrel part pour Toulouse et s’engage dans la Résistance. On le charge alors de liquider traîtres et collabos.

   En 1945, on le retrouve à Marseille puis à Paris où il reprend ses activités de racket et de proxénétisme. Avec 4 acolytes, il monte le gang des tractions avant qui multiplie les braquages dans toute la France. C’est à cette époque, qu’ayant fait la connaissance d’une Lunassienne, il trouve un point de repli dans une maison de la Grand’Rue d’où il prépare ses coups.

   La carrière de Pierrot le Fou prend fin en novembre 1946. Au cours de l’attaque d’une bijouterie parisienne, ivre, il abat le propriétaire et s’enfuit en montant à l’arrière d’une Traction où l’attendent deux complices. En rengainant son colt, il se tire accidentellement une balle dans le ventre et meurt 5 jours après. Ses amis l’enterrent, en toute discrétion, sur une île près de Mantes. Sa femme, voulant connaître la vérité, est emmenée devant sa tombe... puis abattue d’une balle dans la tête.

   Pendant trois ans, la police a continué de poursuivre Pierrot le Fou, ignorant sa disparition. Ce n’est qu’en 1949, grâce à des informations apportées par un indic, que la vérité éclate. Durant cette période, on lui a donc attribué des méfaits qu’il n’avait évidemment pu commettre... 

 extrait de "Lunas au gré de l'alphabet", page 83 - ISBN 978-2-917252-99-4

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