Souvenirs d'enfance par Léon COMMEIGNES

Les vendanges

   Les vendanges  constituaient une occupation importante dans la vie de l’époque. Presque tous les habitants possédaient une petite vigne qui produisait, en général, plus que la consommation annuelle de la famille. Le supplément était vendu à des amis. C’était notre cas.

   Nous possédions 1200 pieds de vigne à Passero qui fournissaient un vin d’excellente qualité. Vu sa situation au-dessus du moulin de monsieur Maistre, elle bénéficiait d’un ensoleillement total du lever  au coucher du soleil, tout au long de l’année, ce qui contribuait à la bonne qualité de notre vin. Il avait aussi d’excellents raisins de table comme l’œillade, l’aramont, le cinsault, les muscats blancs et noirs…..Au cours de la vendange, maman gardait les plus belles grappes et nous les suspendions sur des bambous de 3 mètres de long, dans la chambre de derrière au 2ème étage, qui n’était pas occupée à cette époque de l’année.

   Pour la vendange, en principe, nous nous faisions aider par la famille Connac de la Grand’Rue, dont le fils Pierre était pratiquement de mon âge. Mon frère Jules n’était pas encore marié et aidait bien au transport des comportes depuis la vigne jusqu’à à la charrette, cela ne faisait qu’une distance de 50 à 60 mètres au maximum. On chargeait donc et l’on descendait par le petit chemin qui longe le ruisseau juste en face du moulin et suit la voie jusqu’au passage à niveau par où on rejoint la route départementale Bédarieux, Lodève. C’était donc relativement bien facile pour ramener les comportes à la maison. La cave se trouvait au rez-de-chaussée, après le salon de coiffure et la cuisine. Il y avait suffisamment de place pour quelques fûts afin de stocker le vin de l’année, un foudre et un gros fût renversé pour recevoir toute la récolte et où la vinification allait se faire, en bouillant, comme on disait. La fermentation produisait son effet et rendait dans l’espace de quelques jours, après avoir bouilli, le premier vin de l’année, tout rosé et pétillant dont on remplissait une petite futaille. Après quelques jours de fermentation, on pressurait les grappes au pressoir.

Pressoir ambulant.

Une "colle" dans les Hauts-Cantons au début du XXème siècle.

  A l’époque monsieur Ciffre mettait à la disposition du public, un pressoir mobile et son équipe qui pressurait les grappes fermentées et dont on obtenait encore le vin de pressoir (de moins bonne qualité évidemment mais qui restait bien consommable longtemps). Le pressoir allait ainsi de maison en maison et servait tous les petits propriétaires du village. C’était le père Adolphe Rambaud  (grand-père de Paulou) et Carrière dit « le Tanol » qui desservaient ce pressoir roulant. Les résidus du pressoir (grappes écrasées), « la raque », étaient amenés au distillateur, au Pont-d’Orb, à l’embranchement de la route de Caunas. On extrayait encore quelques litres d’alcool pour les besoins de la famille.

    Avant mon entrée à l’école pratique de Mende, j’ai eu l’occasion de participer en équipe, payé, plusieurs années pour Fourestier Abel (nous avions pris sa succession au café de la gare), ainsi que pour Fourestier Irénée, le propriétaire de la maison carrée  « comme on dit », architecte à Marseille. Maman, venait souvent à ma rescousse pour que je ne reste pas à la traîne derrière les coupeurs sur la rangée.

    J’ai même eu l’occasion, alors que j’étais soldat, de prendre une permission agricole de 15 jours. Nous avions vendangé cette année-là pour Raymond Eloi, notre voisin. C’est un très bon souvenir pour moi, cette période de vendanges, malgré la fatigue due à la position courbée sur les souches.

     Chez les Fourestier (maison carrée), les vendanges se terminaient toujours à la vigne se situant à gauche avant le passage à niveau en allant vers le Bousquet, par un bon goûter plein de gaieté que monsieur Fourestier venait lui même offrir à ses vendangeurs. Cette période était très gaie : dans bien des vignes les coupeuses formaient des alignements bariolés, de nombreuses jeunes filles s’interpelaient de vigne en vigne, la campagne n’était alors qu’appels, cris et chansons.

      Aujourd’hui pratiquement, hélas, toutes ces vignes ont disparu et il ne reste plus que des herbes desséchées…  Vraiment, quel dommage pour la vie de notre village !

      Les plus gros propriétaires autrefois à Lunas, avaient une « colle » c’est-à-dire une équipe comprenant des coupeurs et coupeuses, des ramasseurs, des porteurs, charretier avec cheval.

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