Souvenirs d'enfance par Léon COMMEIGNES

Le village avant 1914

        La guerre mondiale de 1914-1918 a bouleversé tout l'univers et marqué une période de transition pour les populations villageoises, due je pense, à l'arrivée en France des Américains qui ont amené avec eux leur façon de mieux vivre et le modernisme.

            Extérieurement, Lunas n'a pratiquement pas changé depuis cette époque..

            Mises à part quelques constructions nouvelles aux abords, la poste, les écoles. Seules les façades de maisons ont été améliorées, les ouvertures agrandies, les rues modernisées par la commune ou l'équipement que l'on appelait alors "les ponts et chaussées".

DES PRODUCTIONS SUFFISANTES POUR NOURRIR LA FAMILLE

            Avant la guerre, nos villages étaient pratiquement autonomes et vivaient par leurs propres moyens surtout pour ce qui est de la vie quotidienne. Chaque famille vivait pratiquement avec l'appui d'un jardin qui fournissait tous les légumes - surtout la pomme de terre qui était la base de l'alimentation toute l'année - et d'une vigne qui assurait la boisson familiale.

            En ce qui nous concerne, nous possédions le jardin, propriété actuelle de la famille Coulet, avec le petit mas tel qu'on peut le voir encore aujourd'hui (face au jardin du presbytère). Ma mère, de plus, cultivait des pommes de terre dans des terrains plus grands qui appartenaient à des voisins ou amis avec lesquels on partageait la récolte. Notre vigne qui se trouvait très bien exposée à Passero - actuellement propriété de Mr. Paul Courtès du Bousquet d' Orb - nous fournissait bon ou mal an une trentaine d'hectolitres de très bon vin de 9 à 10°. Mon père fabriquait aussi de la « piquette » en faisant passer de l'eau sur des grappes fermentées; en ajoutant du sucre cela faisait un petit vin pétillant très agréable à boire qui pouvait durer jusqu'en mars ou avril. Nous possédions aussi à Passero une dizaine d'oliviers magnifiques qui nous assuraient une huile excellente et une provision d'olives au sel que maman préparait fort bien. Le plus pénible était de cueillir les olives au sommet des grands oliviers. C'est ma mère, ma sœur  et moi qui faisions la récolte toujours en décembre et janvier, par les plus grands froids.

            Nous avions une châtaigneraie à la Séguinerie, au-dessus de St Martin-d'Orb. Nous partions à pied dés 7 heures du matin mon père, ma mère, ma sœur et moi et nous ramassions des châtaignes tout le jour ; je ne peux évaluer la quantité mais certainement plus de 500 kg. Mes parents les déversaient au premier étage dans la salle à manger, côté mur Bétriu et nous en tirions de là tous les jours pour les cuire à l'eau avec ou sans la peau, après les avoir décortiquées le soir à la veillée. C'était à partir de novembre et pour trois ou quatre mois un plat quotidien. Une partie de ces châtaignes était desséchée dans un séchoir  « le sécadou » ; le notre était celui du facteur Maurel ; il existe encore à « la Buissonnade », un petit chemin qui monte de la Costète à travers la Buissonnée (prés de la maison de mon fils) jusqu'à « Mounic ».

           Les châtaignes étaient déposées sur la « clède », plancher aux planches disjointes sous lequel on alimentait un feu de charbon à gros morceaux.

          Ferdinand Fabre, écrivain de Bédarieux qui a chanté notre région, raconte les soirées d'hiver passées par les gens du Languedoc, installés bien au chaud dans ces séchoirs à châtaignes à se raconter de bonnes histoires. Nous n'avons pas connu cela tout de même, mais des châtaignons ou "castagnous " nous en avons beaucoup mangé !

           Préparés soit au lait, soit au vin, ils étaient très appréciés de tous.

           Les gosses en avaient aussi très souvent les poches pleines.                                   

           Certaines familles qui rentraient des châtaignes en grande quantité en réservaient une partie pour en nourrir les troupeaux de brebis les jours de neige.

           Il faut rappeler que les saisons étaient beaucoup plus marquées qu'aujourd'hui.

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