Souvenirs d'enfance par Léon COMMEIGNES

UNE VIE SIMPLE, SANS CONFORT

              Les hivers, très rudes, nous apportaient souvent un mètre de neige, en revanche les étés étaient très chauds. C'est bien simple, dès la Toussaint on s'habillait avec les vêtements d'hiver et à Pâques avec les vêtements d'été, les hommes sortaient leurs canotiers de paille.

            Le village comptait alors 700 habitants ; la commune plus de 1200 alors qu'en 1979 elle n'en totalise que 609. Des hameaux comme Gours, Les Pascals, Briandes qui aujourd'hui sont pratiquement inhabités et en ruines, avaient cinq ou six familles qui y vivaient bien.

            Nos maisons n'avaient aucun confort. Pas de WC. Tous les jours, au petit matin, c'était la promenade des seaux hygiéniques des ménagères vers la rivière ; le soir à l'heure du coucher, si vous vous trouviez dans la rue, il n’était pas rare d'entendre un contrevent s'ouvrir et de voir un bras tendre un vase de nuit pour en répandre le contenu liquide sur la chaussée. Pas de salle d'eau, ni de douche ; il est certain que bien des gens ne se lavaient jamais en entier.

            Les habitants ne quittaient jamais le village. Lunas étant chef-lieu de canton était bien privilégié car nous avions sur place une justice de paix, un percepteur, un notaire, un receveur de l'enregistrement ainsi que le « rat de cave » ou contrôleur des impôts Indirects. La gendarmerie avait quitté Lunas pour le Bousquet qui avait grandi à cause des mines de charbon et des verreries.

             Deux fois par an se tenait une foire qui attirait une grande affluence. Deux rangées de forains s'installaient depuis le pont Neuf jusqu'au pont de l'Eglise. Ils vendaient tous produits : vêtements, chaussures, taillanderie, etc ... L'oncle Casimir Commeignes du Bousquet vendait des chapeaux et des casquettes, il se plaçait toujours devant chez nous. Sur la place de l'Eglise se regroupaient tous les propriétaires de la région qui offraient à la vente : moutons, porcs, lapins, volailles,… Cela attirait bien des visiteurs et pour nous, les jeunes, c'était jour de  fête. A la foire de mai, sur la place de la Mairie, on pouvait acheter tous les plants pour les jardins. Toutes les rues étaient encombrées de charrettes et de voitures ; souvent le cheval y était retenu par sa longe et il avait devant lui un tas de fourrage. Pas la moindre voiture automobile. Il n'y en avait que deux au village : celle du docteur Boulouys, une deux places, et la quatre places dont monsieur Benoit avait hérité. Beaucoup de paysans arrivaient de Ceilhes, des Cabrils, de Joncels par le train et s'en retournaient de même. Mais il en venait à pied de Dio, Valquières, Octon et de plus loin encore.

            Le conseil de révision rassemblait aussi à Lunas tous les jeunes conscrits du canton. Ils arrivaient le plus souvent à pied. Même les vélos, avant la guerre n'étaient pas à portée de bourse de tout le monde.

             Jeune, j'ai été un des premiers à Lunas à posséder une bicyclette. C'est mon père qui m'avait fait remettre en état  un vieux vélo qu'on nous avait donné. Aussi, c'est souvent que des gens venaient à la maison pour me demander d'aller leur chercher au Bousquet les remèdes pour un malade, Lunas n'ayant jamais eu de pharmacie.

            Tous les candidats au certificat d'études du canton se présentaient à Lunas. Cela devait durer longtemps encore après la première guerre mondiale. Ils arrivaient accompagnés de leurs parents, par leurs propres moyens.

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