"Lunas" de Raymond  LUCHAIRE :
 

 

Je t’aime, ô Lunas hameau de mon enfance,

Je fus longtemps absent, puis rempli d’espérance,

Le cœur débordant de joie et d’illusions,

Je suis venu rêver au bord du Gravezon.

 

J’aime «ton vieux pont neuf et ton nouveau pont vieux»

Ton clocher rénové, s’élançant vers les cieux,

Et tassés près de lui, conservant leur mystère,

Les vieux murs délabrés du petit presbytère.

 

J’aime ton Redondel et sa vierge de fonte,

Qui sourit humblement lorsque le soleil monte.

Et lorsque celui-ci a fait place à la lune,

Et que du Gravezon montent des flots de brume,

 

J’aime te voir dormir, écrasé de labeur,

Dormir, profondément, laissant battre ton cœur.

Puis le matin tu te réveilles,

Et dans l’Est rougissant d’une couleur vermeille,

 

Sous ton ciel coloré, strié d’un bleu qui brille,

De tes platanes blancs, de grosses voix tranquilles,

Résonnent dans l’air frais :

O bonheur des matins de nos jeunes années!

 

L’immense monde qui bourdonne,

Ne trouble pas ton cœur, ni ta vie monotone.

Alors de ma fenêtre, seul je peux contempler

Tes collines fleuries et les mas écroulés,

 

Et plantés pêle-mêle aux flancs de tes coteaux,

Les ceps noirs et noueux, d’œillades et de cinsaults.

La flèche du clocher, s’effaçant dans le ciel,

Le Causse, aux châtaigniers nimbés par le soleil,

Et dans le frémissement du vent dans les fourrés,

Le Pioch majestueux aux grands pins élancés.

 
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