LE MOULIN A HUILE

   "Avant que la vigne n’ait envahi la quasi totalité de ses grasses plaines et de ses coteaux ensoleillés, les plantations d’oliviers en nombre important inscrivaient dans le paysage du Bas-Languedoc des taches et des courants de verdure argentés. L’on récoltait les olives peu après les châtaignes, et, dans les deux cent soixante moulins que l’on décomptait dans le département de l’Hérault reprenait alors une activité ininterrompue jusqu’à fin mars, début avril. C’est ainsi qu’avant l’hiver de 1789 la récolte départementale de l’huile d’olive s’élevait à 45000 hectolitres. Trente-cinq ans plus tard, elle avait diminué des deux tiers, pour être actuellement pratiquement nulle. Au XVIII ème siècle, Lunas possédait un modeste moulin appartenant à M de PEYROTTES, originaire de Cazilhac, qui ne traitait d’ailleurs que les olives de provenance locale ou des environs immédiats. Ce n’est qu’en 1848 qu’Henri MOUYSSET, originaire de Sénégra, vint s’installer à Lunas, où il avait contracté mariage avec mademoiselle Emilie BOULOUYS. Il acheta alors une maison sise au confluent du Gravezon et de la Nize, où, ayant su canaliser les eaux de ce dernier cours d’eau et en utiliser l’énergie, il fonda un moulin qui fut à même de traiter pratiquement la totalité de la récolte d’olives en provenance de la région biterroise. Les eaux généreuses de Nize procuraient vie à une roue hydraulique, qui actionnait une meule de pierre tournant dans un bassin, où les olives mûres, apportées par leurs propriétaires, étaient écrasées... »

 - D'après l'étude du docteur Henri MARC - 1980

D’après cet auteur, le moulin employait onze ouvriers :

1 meunier surveillant la meule et son travail

8 hommes actionnant 2 pressoirs

1 "cueilleur" ou "levaire"

1 chauffeur assurant le service d’eau bouillante

   « Le propriétaire des olives, qui, le plus souvent avait assisté en personne à toutes ces opérations, s’en revenait chez lui, emportant son huile de première cueillette, celle « d'enfer », consommable à condition d’être mélangée avec de l’huile d’arachide, et les déchets de "couffins" (*) susceptibles d’être utilisés pour la nourriture des cochons, à moins que, séchés, ils ne deviennent un combustible économique. C’est ainsi que ce moulin à huile de Lunas fonctionna sous la direction de son fondateur d’abord, puis sous celle de son gendre Mathieu CIFFRE, puis de son fils Henri CIFFRE et enfin de son petit-fils Charles CIFFRE. Il le ferma en 1937, la quantité d’olives alors récoltée ne permettant plus une exploitation rentable, face à la concurrence du moulin de CLERMONT-L'HERAULT, moderne et mécanisé. »

   Madeleine CHATAIN, née CIFFRE, nous a aimablement communiqué des documents de ses archives familiales qui apportent un jour nouveau sur l’histoire du moulin à olives. Contrairement à ce que le docteur Marc a écrit, si le moulin fut bien créé par Henri MOUISSET, il ne sera actionné par l’énergie du ruisseau de Nize que 25 ans après sa création, soit en 1883 par Mathieu CIFFRE. Antérieurement c’est probablement un animal (cheval, âne ou mulet) qui faisait tourner la meule.
 

 

Lucien Couderq se rappelle avoir connu, dans son enfance, ce moulin en activité. Il nous fait part de ses souvenirs :

1 - Chaque propriétaire récoltant transporte ses olives dans des comportes en bois cerclé, identiques à celles utilisées pour les vendanges. Un cheval (ou une mule), attelé à une charrette, amène la récolte à pied d’œuvre devant le moulin.
2 - Les comportes sont pesées sur une bascule à fléau.
3 - La masse de la récolte est enregistrée au bureau. A noter qu’il faut de 6 à 10 kg d’olives pour obtenir un litre d’huile.
4 - Les olives sont lavées puis débarrassées des débris végétaux étrangers avant d’être placées dans des couffins, sorte de poches plates et rondes en fibres végétales tressées (alfa le plus souvent). Empilés sur le socle d’un pressoir à vis, entourés d’une cage en bois circulaire, ils seront pressés en agissant, par l’intermédiaire d’un bras de levier, sur la vis. L’huile contenue dans les cellules de graisse de la pulpe des olives écrasées, s’écoule dans un récipient : c’est l’huile vierge de première pression à froid.
5 - Les olives écrasées sont alors transvasées dans la cuve en pierre du moulin pour y être écrasées par une meule verticale, également en pierre, roulant excentrée par rapport à l’axe vertical de la cuve.
Le mouvement de la meule roulante est transmis depuis la roue à aubes, au fil de l’eau, par l’intermédiaire d’un ensemble d’engrenages et d’arbres de transmission métalliques.
En roulant et dérapant sur le fond de la cuve, la meule verticale broie, malaxe, mélange la pâte grossière issue de la presse.
De l’eau, puisée à la source en sous-sol, chauffée à l’aide du plus proche foyer, est ajoutée dans la cuve de la meule dormante, car il faut, à ce stade, séparer les liquides (huile et eau) des fibres végétales de la pulpe ligneuse et des noyaux.
6 - Les liquides obtenus sont collectés par des tuyauteries dans un bassin de décantation, qui, du fait de l’éprouvante atmosphère, humide et chaude, est baptisé « l’enfer ».
7 - La pâte résiduelle subsistant dans la cuve de malaxage est rechargée dans des couffins empilés dans un second pressoir à vis, du même type que le premier, pour en extraire l’huile résiduelle qui est récupérée dans un récipient. L’huile ainsi collectée est appelée « huile de deuxième pression ».
8 - L’huile, plus légère que l’eau, surnage dans l’enfer. Elle est prélevée, à la main, par le « cueilleur » ou « levaire », en premier à l’aide d’une écumoire et enfin, après décantation, par une sorte de louche peu profonde (la levette) avant d’être versée dans un récipient de transport.

(extrait de l'ouvrage "Lunas au fil de l'eau... au fil du temps..." pages 35 à 41)

(photos L.Osouf)

Iconographie

        Plan du moulin                La salle des meules,  état actuel              La vanne d'admission d'eau, la pansière, le dernier cueilleur  

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