Les eaux souterraines ont exercé dans les couches
calcaires de l’Hettangien, une érosion importante créant un grand nombre
de cavités. Au cours des XVIII et XIXème siècles des Lunassiens ont su
profiter de ces structures naturelles, les utilisant pour l’affinage du
fromage de brebis. On produisait alors, sur la commune, un fromage tout à
fait comparable au Roquefort, jusqu’à la loi du 26 juillet 1925, réservant
cette appellation au fromage préparé «exclusivement au lait de brebis pur et
entier, fabriqué et affiné suivant les usages locaux, loyaux et constants
dans les caves naturelles de la montagne du Combalou, sur la commune de
Roquefort-sur-Soulzon en Aveyron».
« Le 9 juin 1814, en l’étude de maître Joseph Fulcran CLAINCHAS,
notaire royal, résidant à Lodève, Pierre GAUFFRE demeurant au hameau de
Bernagues, achetait au sieur Pierre MAUREL, cultivateur à Lunas, une
parcelle de terrain qu’il destinait à la création d’une "cave à préparer le
fromage".
Ce terrain ainsi que "le chemin convenable pour y aboutir avec bêtes ou
mulets chargés" se situaient à une centaine de mètres environ en amont du
pont de Nize à Lunas, sur la rive gauche de cette rivière. Il se trouvait
notamment sur cet emplacement "un grand trou ou creux taillé naturellement
dans le rocher".
La vente était conclue entre les parties pour le prix
convenu de deux cents francs.
Pierre GAUFFRE alors âgé de 33 ans, assurait en qualité de percepteur
le recouvrement des impôts pour la commune de Lunas.
Il avait été certainement intéressé par cette grotte qui
présentait, à son avis, toutes les propriétés d’affinage des caves déjà
réputées du massif du Combalou. Il y ouvrit une large faille, appelée
"fleurine". L'hygrométrie, la stabilité de la température et surtout
l'existence d'un courant d'air frais sont les facteurs indispensables au
développement du pénicillium roqueforti qui confère au fromage sa
réputation gastronomique étendue.
Telle qu’il est possible de la voir encore aujourd’hui, la grotte
naturelle, qu’il destinait à sa petite industrie, mesure 17,8 mètres de
longueur sur 3,5 de largeur. Elle possède une voûte de forme ogivale haute
d'environ 5 mètres.
Il s’agissait donc d’une "cave" assez petite, dans laquelle pouvaient
être affinés, au maximum, 80 à 100 quintaux de fromage. Elle fonctionna à ce
rythme de production jusqu’en 1867, date à laquelle, en vue
d’agrandissement, le restant du terrain jouxtant la "cave" et le ruisseau
de Nize fut acheté à Pierre MAUREL.
Devenu aveugle, Pierre GAUFFRE confie l’entreprise à son neveu Alcide
Maximilien GAUFFRE, lequel en devient réellement propriétaire en 1880, au
décès de sa cousine Marie Gabrielle Stina GAUFFRE, épouse ROUIS, domiciliée
à Lodève, qui, le 12 juillet 1879, avait testé en sa faveur. Alcide
Maximilien GAUFFRE d’abord, et ses fils ensuite, continuèrent la fabrication
d’un fromage de brebis conformément au procédé utilisé à Roquefort. Ils
agrandirent progressivement les locaux, respectant toutefois en son
intégralité la cave naturelle, âme véritable de toute l’affaire, parvenant à
une production annuelle d’un millier de quintaux de fromage.
La fabrication des fromages de brebis GAUFFRE Frères se
poursuivit à Lunas jusqu’en 1911.
La société des caves de Roquefort, ayant reconnu l’excellente qualité
du fromage fabriqué à Lunas, se rendit acquéreur de la marque "GAUFFRE
Frères" qui existe encore de nos jours, mais dont la fabrication s’opère
exclusivement à Roquefort. (D'après l'étude du docteur Henri MARC - 1980)
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