Ferdinand FABRE (1827 - 1898), romancier natif de Bédarieux, nous parle du châtaignier... ( Extrait du roman "Monsieur Jean", publié en 1886) |
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" Le châtaignier est le roi de nos montagnes, il s'est emparé de proche en proche de notre terre cévenole et l'occupe despotiquement. Son vaste tronc rugueux, écaillé, se montre partout, étendant sur nos campagnes des bras énormes qui les embrassent jalousement. Quel éclat dès les premières tiédeurs du printemps ! De magnifiques bourgeons gommeux paraissent au bout des branches, où, touchés par le soleil nouveau, ils éclatent semblables à de grosses pierreries. Puis viennent les feuilles, tendres d'abord et blanches comme le lait, robustes ensuite et vertes comme l'herbe des prés. Vers mai, des rameaux bruissants ombragent tout le pays, décorés de délicates pyramides en fleur... Il faut voir la joie de nos paysans à cette nature renouvelée qui leur promet toutes les richesses car l'abondance des châtaignes, en nos contrées, c'est la porcherie grasse et pesante, la volaille arrondie pour le marché, le mulet pourvu d'avoine, c'est chacun faisant rebondir sur son ventre plein, un gousset sonnant. Le châtaignier se complaît à tel point en nos monts d'Orb rocailleux, qu'après en avoir aspiré les sucs nourriciers, s'il trouve quelque silex perdu aux couches schisteuses du sol, il l'enveloppe de ses racines, le filtre, l'épuise comme le reste et le garde. Cela explique comment il arrive que, des souches ayant été mises au feu, les pierres à fusil noyées dans les matières ligneuses détonent comme des bombes, blessent les gens et endommagent les vaisseliers." |
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