Légende du Seigneur de Lunas

LUNAS TROUPAT M'AS - (LUNAS TU M'AS TROMPé)

(ce texte du Lunassien Jacques BLAYES est paru dans la presse locale en 1986)

   " Voici donc la légende racontée par ma grand-mère Léontine BLAYES née GUIRAUD.

    Le seigneur de Lunas, Sourlan, Caunas, comte de Faugères et descendant du comte de Narbonne venait de se marier à 20 ans, avec une très belle jeune fille de 18 ans, noble comme lui évidemment. Ils étaient heureux, s'aimaient  d'un amour tendre et vivaient en leur château de Lunas en pleine euphorie. Le pauvre amoureux fut désigné pour partir aux croisades et dut laisser sa chère épouse au château. Loin de Lunas il se morfondait chaque soir sous sa tente, il rêvait de sa femme, il était malheureux et prêt à toutes les concessions qui lui permettraient de retrouver son amour.

   Sa jeune épouse attendait également et subissait sa longue solitude espérant toujours revoir son mari adoré et elle gardait jalousement sa vertu en l'attendant. Mais elle était si belle, si gentille, si désirable que le Diable, toujours à l'affût de combinaisons douteuses, aurait bien voulu séduire la jeune comtesse. Il employait toutes les ruses, les sorcelleries possibles, mais la jeune femme aimait trop son mari et n'acceptait aucune avance de quiconque, encore moins celle du diable.

    De guerre lasse celui-ci alla visiter le seigneur de Lunas sur sa couche, un jour où justement celui-ci était très impatient de revoir sa jeune épouse. Il lui dit: "Si tu veux, monte sur mon dos et tout de suite tu seras à Lunas près de ta femme." Vite fait et en un court instant, le jeune homme amoureux vit le Redondel sur lequel était bâti son château et où l'attendait sa sage épouse. Mais il était malin et pendant le court trajet, il avait bien réfléchi. Il savait surtout qu'un signe de croix faisait disparaître le diable et ne désirant pas être accompagné jusqu'au château par le triste sire, il lui demanda de le laisser boire à la fontaine toute proche : "M'as fach aganta frech et set, laïsso-mé biouré un paou d'aïgo à nostro foun" ( Tu m'as fait prendre froid et soif, laisse-moi boire un peu d'eau à notre fontaine). L'autre soupçonneux, lui attacha les mains derrière le dos, pensant éviter le signe de croix fatal pour lui. Mais le comte avait bien calculé, pour boire à son aise dans l'auge en grès de la fontaine , il se mit à genoux et dit: " Anté baou biouré? tant n'io aqui, coumo aqui, encaro aqui ou alaï" en faisant signe avec sa tête (où vais-je boire? Il y en a autant ici, comme ici, et encore ici où là-bas). Le signe fatal au diable était fait, il s'écria : "Lunas troumpat m'as". Pour me venger et me payer de ma peine je te prendrai la première chose que tu embrasseras en rentrant au château et chaque année je te prendrai également une coupe (las balajaduras) du Prat-Méjié.

    Le marché du diable risquait d'être payant car il pensait que le comte embrasserait son épouse en premier seule chose qui comptait pour lui. Avant d'entrer au château, il dit un pater et embrassa une des grosses pierres du portail d'entrée. Puis il alla vers sa petite femme et la serra fort dans ses bras. Elle était sauvée du diable !

    Le grand drame fut évité. il resta auprès de sa bien-aimée, lui conta toutes les péripéties de la vie des croisés, ses voyages, ses batailles et la façon dont il était si vite revenu de si loin. Ils en rirent bien longtemps et le diable ne se manifesta plus au château où ils vécurent heureux.

   Toutefois et parce que toute légende est basée sur des faits ayant existé, mais considérablement déformés ou exagérés, le château bâti sur le Redondel rasé à l'époque des guerres de Religion et chaque année lorsque le pré Méjié était fauché, des tourbillons de vent enlevaient bien haut le fourrage qui s'éparpillait dans la nature environnante.

Méjié : ce mot veut dire à moitié. La légende veut donner cette application à ce pré, alors qu'en réalité Pré-Méjié signifiait pré partagé avec le Diable, et donc, inventé par la suite pour bien situer l'endroit."

Nous remercions Claude BRUN qui nous a fait parvenir l'article de Jacques BLAYE.

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