LUNAS PENDANT LA PERIODE REVOLUTIONNAIRE 1789 - 1804 |
D'après l'étude du Docteur Henri MARC - novembre 1979- "Lunas porte de l'Escandorgue" (pages 30 à 41) |
LA QUESTION RELIGIEUSE |
"Tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d'après les instructions des provinces." Tel fut le décret adopté par la majorité de l'assemblée législative le 2 novembre 1789, qui contractait ainsi au nom de la France, l'engagement d'organiser l'assistance publique et d'assurer par le paiement d'un traitement convenable aux prêtres des paroisses le service catholique dans toute la France. Ces biens du clergé (un cinquième environ de l'étendue du territoire national) furent qualifiés de " domaines nationaux " et servirent de garantie à l'émission d'un papier-monnaie : les assignats. Allant plus loin, la Constituante décréta le 12 juillet 1790, la constitution civile du clergé, imposant à tous les prêtres, la prestation d'un serment de fidélité à la-dite constitution, sous peine pour les défaillants d'être considérés comme démissionnaires et passibles de poursuites s'ils continuaient à exercer leurs fonctions. Les archives municipales de Lunas nous permettent de savoir que le 28 janvier 1791, Guilhaume Rigaud, curé de Caunas et Antoine Privat, curé de Notre-Dame de NIze, prêtèrent le-dit serment à l'issue de la messe dominicale. Par contre M. Bousquet, curé de Lunas, refusa de prêter le serment et disparut de la localité. Le nombre important de prêtres " insermentés " imposa une réduction du nombre des paroisses existantes, et, en mai 1791, la municipalité de Lunas dut, en vertu d'un accord passé entre le procureur syndic du district de Lodève et l'évêque du département de l'Hérault, fournir les renseignements nécessaires, à la réalisation de ce projet. Passée la sinistre période de la Terreur, arrive alors (21 février 1795) la séparation de l'Eglise et de l'Etat, qui devait en principe permettre la liberté de tous. Nous retrouvons Antoine Privat, curé de Nize, se déclarant le 25 prairial An II (15 juin 1795) " soumis aux lois de la République, conformément à la loi relative à la liberté du culte ". La trêve fut de courte durée. Le Directoire reprit la persécution religieuse, interdisant comme au temps de la Terreur la célébration du dimanche. La situation apparaît dans le canton de Lunas assez complexe et témoigne d'une certaine confusion. C'est ainsi que le 17 nivose An IV (9 janvier 1796), le maire Alexis Boulouys signale au président du directoire départemental " qu'il existe dans l'arrondissement aucun prêtre réfractaire ", que le 9 avril suivant (18 germinal) il signale à l'officier de police judiciaire " la découverte dans le canton d'un prêtre nommé Mayssonier, domicilié à Serriès ", en vue de faire contre lui toute diligence, que six mois plus tard, le 2 octobre (10 vendémiaire An V) il demande au payeur général le règlement des indemnités dues aux prêtres pensionnés, et que le 18 nivose de l'An VI (9 janvier 1798) il adresse au président de l'administration départementale la lettre suivante: " J'ai reçu, citoyen, votre lettre et l'arrêté joint. Il a été transcrit sur les registres et une copie adressée à l'adjoint de Ceilhes. L'administration va faire de nouvelles perquisitions et elle espère qu'elles ne seront pas en vain. Elle peut vous assurer par mon organe que les prêtres qui pourront être dans l'arrondissement, seront arrêtés ou chassés comme des loups enragés. Salut ". En avril 1802, le Concordat, issu du gouvernement consulaire, vient mettre fin à la crise religieuse. Les décrets de bannissement contre les prêtres furent rapportés, et M. Bousquet, contre lequel avait été pris un mandat d'arrêt le 9 avril 1796, retrouvait sa charge de curé de Lunas, desservant aussi la succursale de Caunas. Tous ces soubresauts, toute l'instabilité des années écoulées retentissaient sans nul doute sur l'état d'esprit d'une population demeurée dans son for intérieur profondément attachée aux rites romains. Ainsi peuvent s'expliquer certains conflits de conscience particuliers, plusieurs familles faisant montre de scrupules sur la validité du mariage religieux célébré par un prêtre assermenté et demandant au nouveau curé une nouvelle bénédiction nuptiale. Il fallut toute la diplomatie et le doigté d'Alexis Boulouys pour mettre fin à de telles pratiques et éviter des désordres possibles dans sa localité. |