LUNAS PENDANT LA PERIODE REVOLUTIONNAIRE 1789 - 1804

D'après l'étude du Docteur Henri MARC - novembre 1979- "Lunas porte de l'Escandorgue" (pages 30 à 41)

REQUISITIONS ET CONSCRIPTION

sommaire Révolution

      La longue lutte à laquelle pendant dix années consécutives la France dut faire face contre les principales puissances de l'Europe (avril 1792 - mars 1802) aboutit bien, en fait, à la reconnaissance de la République par l'Europe entière mais représenta une lourde charge pour les gouvernements successifs et pour le peuple français.

   La population fut en effet constamment appelée à fournir des subsides pécuniaires, à satisfaire à des réquisitions répétées et à répondre à la conscription.

   La commune de Lunas, pour sa part, dut fournir à plusieurs reprises des chevaux et des mulets.  C'est tout d'abord en novembre 1793 ( 2 frimaire An II ) qu'une " levée de chevaux, harnais et armes " fut effectuée. Pierre Gauffre, de Bernagues, fut chargé de faire réparer les harnais et d'accompagner à Montpellier, les six chevaux réquisitionnés. Quant aux armes, il ne fut trouvé que "quatre paires de pistolets et pas de sabres".

    En octobre 1799 ( 5 brumaire An VIII ) les habitants de la commune et du canton durent déclarer leurs chevaux, mules et mulets. Alexis Boulouys et sa municipalité intervinrent auprès de l'administration départementale en vue d'obtenir une réduction de réquisition :

   "Le canton de Lunas ne possédant qu'un petit nombre  de chevaux, juments, mules et mulets, d'ailleurs employés à tous les travaux de l'agriculture, les habitants ayant dû fournir lors de la dernière  guerre une importante quantité de ces animaux".

    La déclaration faite par les administrés ayant permis de dénombrer 155 chevaux, mules ou mulets, les commissaires du gouvernement fixèrent à 5 le nombre d'animaux à fournir, se répartissant comme suit :

  • pour Lunas....................................1

  • pour Avène....................................1

  • pour Ceilhes..................................1

  • pour Joncels et Romiguières....1

  • pour Roqueredonde et Dio........1

qui furent conduits à Lodève le 18 pluviôse (9 février 1800).

   En ce qui concerne la collecte des métaux, une lettre du président de la commission cantonale au président départemental nous apprend qu'à la date du 17 nivôse An IV ( 9 janvier 1796 ) " il n'existe dans aucune commune du canton du fer, acier, plomb, cuivre, métal de cloches ", toutes ces différentes matières métallurgiques provenant des démolitions des édifices nationaux et maisons d'émigrés ayant été versées dans les magasins destinés à cet effet à Lodève.

   Beaucoup plus difficile se révéla l'enrôlement des jeunes citoyens désignés pour servir dans les armées de la République. En effet, si en 1791, dans un bel élan patriotique 17 habitants de Lunas s'étaient enrôlés comme soldats volontaires à la garde nationale et " prêts à marcher au besoin ", il n'en fut pas de même en 1793 où personne  ne s'inscrivit sur le registre ouvert pour le remplacement de ces volontaires.

    En l'An III ( 10 messidor ) où la " levée en masse " des citoyens décrétée par la Convention fut un échec complet, l'annonce de la venue d'un agent militaire du gouvernement du Directoire chargé de faire exécuter rigoureusement la loi du 4 frimaire concernant les déserteurs et les jeunes gens de la première réquisition semble ne pas avoir eu le résultat escompté comme en témoigne la note du "directeur-maire" au "directeur-départemental " :

   " Je vous ai instruit qu'on avait pris des mesures pour vaincre la morosité des conscrits de la première classe attendu qu'ils n'avaient pas répondu à l'appel qui leur avait été fait. Des détachements de la garde nationale ont été mis en mouvement dans les différentes communes du canton, mais jusqu'ici, ils n'ont produit aucun effet.

   Des seconds détachements ont été encore mis en mouvement et ils ne produisent pas plus d'effets que les premiers. Les enrôlements de volontaires n'ont produit non plus aucun effet".

   Le temps passe... Les jeunes conscrits du canton reçoivent le 2 prairial An VI ( 2 juin 1799 ) la circulaire suivante de leur municipalité :

   " Citoyen, je viens vous prévenir que d'après le tirage au sort fait par l'administration centrale, vous êtes du nombre de ceux qui devez partir pour l'armée. La loi vous accorde un délai de 5 jours pour vous présenter au département ou pour vous faire remplacer par un autre citoyen. Je vous invite à ne pas manquer si vous ne voulez pas être poursuivi conformément à la loi."

   L'attitude  passive des intéressés en arrive à envisager le recours à la force armée pour aider les pouvoirs publics en ce qui concerne "les conscrits qui refusent d'obéir à la voix de la patrie" - 14 fructidor An VII (10 septembre 1799) - . Le 2 vendémiaire de l'An VIII (23 septembre 1799) le général Couteaux, commandant la 9ème division militaire, rappelle à l'administration municipale du canton ses devoirs "vis à vis des conscrits qui refusent de se rendre à leur poste" et lui intime l'ordre de "déployer en la circonstance toute l'activité que le gouvernement lui a confiée".

   Le "directeur-maire " Boulouys et son conseil font alors procéder à l'affichage de la circulaire du général Couteaux, ainsi qu'un arrêté intimant aux appelés l'ordre d'obtempérer, mais la semaine suivante ce malheureux Boulouys se voyait dans l'obligation de répondre au commandement militaire que ces mesures "n'ont pas produit un meilleur effet, aucun conscrit ne s'étant présenté pour prendre sa feuille de route. Des mesures de rigueur doivent donc être envisagées puisque celles de douceur ne produisent aucun effet".

      Il en fut de même an début du Consulat, puisque le 2 germinal de l'An VIII (23 mars 1800) l'administration municipale ne peut " dresser les tableaux conformes en vue d'établir la liste de jeunes gens ayant atteint 20 ans au 1 vendémiaire, aucun conscrit ne s'étant présenté pour être toisé malgré les soins pris par les agents municipaux".

     Malgré ce, (le département de l'Hérault devant fournir 339 jeunes gens) le canton de Lunas se voit inscrit pour appeler 5 conscrits, et le 9 germinal, en présence du citoyen Bonnafé, commissaire du gouvernement, les municipalités intéressées décident que "les communes de Lunas, Dio et Romiguières fourniront 2 conscrits, celles de Ceilhes et Avène 2, celles de Joncels et Roqueredonde réunies, 1".

   Il est à présumer que les difficultés de cet ordre s'amendèrent progressivement puisque le 27 fructidor An XII (août 1805), à propos de l'arrestation à Laval de Nize d'un certain Guillaume Bessière, déserteur, "qui, depuis quelques temps parcourait les hameaux circonvoisins", Alexis Boulouys pouvait écrire au préfet de l'Hérault :

   "Si je n'ai pas la satisfaction d'en avoir fait arrêter davantage, j'ai au moins celle de voir que la commune que j'administre n'est pas le repaire de ces individus ennemis de l'Etat et de leur Patrie".