Etude de Jean Claude RIVIERE, Président de la Fédération Archéologique de l'Hérault (septembre 2005) PLAN de l'édifice selon les époques (cliquez) Objet de l'étude : recherche des éléments permettant une hypothèse de restitution de l'édifice, élevé probablement au XII ème siècle, à partir des vestiges subsistant dans le bâtiment actuel. Remarques préliminaires : - Les premières constatations effectuées dans l'ancienne première travée de cet édifice, pignon ouest, laissent deviner un état antérieur dont subsistent deux à trois assises à la base du gouttereau sud. Un bloc en très grand appareil surmontant cette maçonnerie peut provenir d'un autre édifice (antique ?) ou d'un ancien lieu de culte. Il est difficile de supposer une église primitive en cet endroit, le Lunas attesté au IXème siècle étant plutôt situé sur le Redondel, s'agit-il alors de vestiges civils (romains ?). - Le parti pris des maîtres d'oeuvre qui, au XIIIème siècle, ont procédé à l'agrandissement sans intervenir sur la portion de bâtiment correspondant aux deux premières travées paraît, à première réflexion, incompréhensible. La seule explication admissible serait une impossibilité technique liée à une contrainte trop lourde à gérer. Le croquis d'Amelin, daté de 1822, apporte une première réponse : la porte d'entrée latérale se situait dans la deuxième travée. Mais cette contrainte n'était peut-être pas la seule car il est probable, comme à Roubignac et dans d'autres églises du même type, que le clocher primitif se soit élevé sur cette partie de l'édifice. C'est en tout cas sur la nef, sans plus de précision, que l'on situe le clocher démoli, en 1774, à cause des dangers qu'il présentait ! Il a donc été choisi de laisser en l'état un membre du bâtiment plutôt que d'effectuer des transformations qui auraient encore amplifié l'importance du chantier. Restitution : - La façade, ouest, comporte en son centre une ouverture (0,75 x 1,95) étroite et légèrement décentrée ( 2, 40 du gouttereau nord et 2,25 du gouttereau sud). - La première travée coupée par un mur supportant l'actuelle voûte (perpendiculaire à la voûte originelle) a une largeur intérieure, de gouttereau à gouttereau, de 5,50 m. On peut estimer, par comparaison avec les mesures de la partie extérieure préservée, qu'elle ne devait pas excéder 3 m et ne pas comporter de formeret. Cette dernière conclusion est rendue aléatoire par la disposition postérieure de cette travée dans laquelle a été aménagée une petite tribune sur croisée d'ogive (départs conservés au sud et au nord contre le mur pignon). - Les autres travées peuvent se retrouver sur l'actuel gouttereau sud, dans l'église. La deuxième, à l'emplacement de l'actuelle tribune, comporte un arc formeret dont l'ouverture, à la base, mesure 3,82 m. Une baie sous arcature plein cintre, occultée avec soin, s'ouvrait au centre de la portion du gouttereau sud délimitée par cet arc. C'est dans cette travée que s'ouvrait, au nord, l'entrée principale. Grâce au croquis d'Amelin on peut constater qu'elle ressemblait à la plupart des entrées romanes du secteur : arche plein cintre s'ouvrant dans une avancée du gouttereau, entre deux contreforts, surmontée d'une petite couverture en pente. Il pourrait, d'après le dessin, comporter deux archivoltes et deux tores ( Saint Jean de la Blaquière, Roubignac, Saint Privat, etc.). La troisième travée correspond à la chapelle St Pierre qui s'ouvre sous un arc reprenant le tracé de l'ancien formeret. (voir plan ) - Le chœur devait se situer à hauteur du clocher actuel (érigé au XVIIIème siècle). Les doubleaux, au nombre de deux, devaient renforcer la voûte : reposaient-ils sur des colonnes engagées ou des pilastres? Les éléments (deux) subsistant au nord et au sud peuvent ne constituer qu'une partie de l'ancienne structure : colonne engagée sur dosseret, chapiteau au fort tailloir, à la corbeille décorée soulignée par une fine astragale. Il est aussi possible qu'ils constituent le décor des supports de l'arc triomphal, les doubleaux reposant alors sur les éléments neutres : pilastres surmontés d'une imposte. La nef ainsi reconstituée, proche de celles de nombreux édifices de ce premier art roman, aurait les dimensions suivantes : largeur : 5,40 m / longueur : 12,60 m ( jusqu'à hauteur de l'arc triomphal ) / hauteur : 8,85 m (sous la voûte)
(schéma JC RIVIERE) ( L'église N.D. de Roubignac, commune d'Octon, mais proche des Hauts Cantons, à des dimensions voisines : 13,5 m sur 8,83 m pour 8,83 m de haut ) Il est à remarquer que le décor subsistant de cette période comporte des éléments caractéristiques du premier art roman languedocien (arcatures lombardes, modillons décorés, forme et décor des chapiteaux, formerets ) et plus particulièrement de cette portion du territoire héraultais où la référence à l'architecture de l'abbatiale de Saint Guilhem paraît incontournable. Des rapprochements sont à faire avec les églises de Saint Jean de la Blaquière, Saint Etienne de Gourgas, Les Salces, Loiras pour les arcatures et les modillons, Notre-Dame de Roubignac, Soumont... pour la disposition des colonnes engagées, la forme des chapiteaux, les formerets... Une mention spéciale pour le décor de la corbeille du chapiteau nord de Saint Pancrace, à rapprocher de celui du chapiteau sud de Saint Etienne de Gourgas : même type de représentation animale, disposition similaire de la queue, seule différence l'un est représenté passant à droite et l'autre passant à gauche : |
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St Etienne de Gourgas - chapiteau sud |
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(photos JC RIVIERE) |
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St Etienne de Gourgas chapiteau sud / image inversée |
Lunas : corbeille chapiteau nord
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Conclusions : L'église paroissiale de Lunas antérieurement à l'état actuel se présentait comme un bâtiment d'une taille respectable : 5,40 m de large, une quinzaine de mètres de long et une hauteur de 8,85 m. La nef unique couverte par une voûte cylindrique longitudinale, renforcée par deux doubleaux portés par des colonnes engagées, sur dosseret, au chapiteau décoré (au moins pour l'un d'entre eux), reposait sur les gouttereaux au-dessus d'une corniche au profil caractéristique (bandeau sur biseau). des formerets (arcs latéraux bandés entre les pilastres ou dosserets) rigidifiaient l'ensemble murs et voûte. Une porte latérale, située dans le gouttereau nord à hauteur de la deuxième travée, donnait accès à la nef ( cf. Amelin ). La porte en position basilicale s'ouvrant dans la façade, à l'ouest, ne pouvait par ses dimensions n'assurer qu'un rôle d'issue secondaire. Il est d'ailleurs à supposer, comme dans d'autres constructions du secteur (N.D. de Roubignac), qu'elle pouvait donner dans la "claustre" offrant au desservant une entrée personnalisée. (cf. le vestige d'ouverture plein cintre situé immédiatement à droite de la façade). La forme du chœur reste à déterminer : abside semi-circulaire, abside à cinq pans ou chevet plat, toutes formules présentes dans les églises du territoire. Les éléments de décor malgré leur inspiration "lombarde" ne permettent pas de dater la construction d'avant la première moitié (premier quart ?) du XIIème siècle. Le soin apporté au traitement des matériaux, blocs finement layés, ajustage minutieux des moellons de la façade ouest, confirme encore cette datation :
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Layage en "arête de poisson" |
Ajustage d'un bloc de grès à 6 pans |
(photos JC RIVIERE) Une première intervention architecturale a dû, avant l'agrandissement drastique de la fin du XIIIème - début du XIVème, affecter la première travée, contre la façade. Une tribune sur croisée d'ogive datant, au plus tôt, du début du XIIIème siècle a été créée pour pallier les dimensions insuffisantes de l'édifice. Transformation vite dépassée qui, moins de cent ans plus tard, obligera au doublement de la capacité de l'édifice. PLAN de l'édifice selon les époques
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