« L’on sait qu’après la mort de
Jean-Gabriel Henri de Narbonne-Caylus, la Seigneurie de Lunas fut achetée par
Jean-Antoine Viel, président de la Cour des Comptes et Aides de Montpellier en
1723. Son fils aîné Louis Antoine Jean Viel en hérita en 1742, continuant à
jouir des divers droits féodaux attachés à la Seigneurie.
L'abolition des ordres et privilèges ayant été proclamée la nuit du 4 août
1789, un assez grand nombre de ces "privilégiés" n'acceptèrent pas ces décisions
et préférèrent quitter le royaume plutôt que de s'y soumettre. Commencée dès le
lendemain de la prise de la Bastille, cette émigration gagna en importance en
1790 après le décret abolissant les titres nobiliaires et en 1791 après la
suspension du Roi.
Présent à l'assemblée générale des trois ordres de la sénéchaussée de Béziers
en mars 1789, M. le marquis de Lunas ne reparut plus dans ses terres, tant et si
bien que le 17 mars 1893 - An II de la République - le conseil général de Lunas
constata que "depuis la publication du décret qui enjoint à tout républicain
français éloigné de ses possessions de justifier par un certificat de la
municipalité, visé par le district du ressort, de la résidence du dit citoyen
dans l'Empire, avec autres formalités mentionnées au-dit décret, sous peine
d'être considéré comme émigrant, et, par suite ses biens mis en séquestre pour
être vendus en la forme déterminée par les décrets, il arrive que le citoyen
Viel, ci-devant seigneur de Lunas, possédant diverses propriétés en champs,
vignes, prairies, bois, etc... n'a jusqu'ici point daigné justifier en la forme
susdite du lieu de sa résidence dans l'Empire français, ce qui engage à le
considérer comme émigré, avec d'autant plus de raisons que faisant partie de la
classe des ci-devant nobles, et comme ancien garde des forges, il y a lieu de
croire qu'il s'est coalisé avec ses semblables, que d'autre part il advient que
dans cette incertitude on dévaste les possessions du citoyen Viel, ce qui
déprécie considérablement toutes les-dites possessions dont la vente en
profitant aux habitants de la commune, doit fournir un fond considérable à la
Nation."
Le conseil général de la commune estime alors :
"...qu'il était nécessaire de dénoncer incessamment aux citoyens
administrateurs du département de l'Hérault, dont ressortissent les dits
bien-fonds, comme quoi jusqu'ici le dit citoyen Viel n'a pas obéi aux décrets
puisqu'il n'a pas justifié du lieu de sa résidence dans l'Empire, afin que les-dits citoyens administrateurs prennent les mesures nécessaires tant pour le
séquestre que pour la vente des-dits biens afin d'en prévenir la dévastation et
la dilapidation déjà commencées."
Après audition du substitut du procureur de la commune, les citoyens Pierre Fulcrand et Guillaume Gras furent élus en qualité de syndics avec tous pouvoirs
pour faire auprès des administrateurs départementaux et du district de Lodève
toutes les démarches nécessaires pour la mise en séquestre des biens de
l'ex-Seigneur de Lunas et faire procéder à leur vente le plus tôt possible.
Le 17 mai suivant , Bernard Ciffre, maire, exposait
à son conseil que "depuis plus de cinq mois la municipalité n'avait reçu aucun
certificat constatant la résidence du sieur Viel, ci-devant Seigneur de Lunas,
sur le territoire français, ce qui d'après la loi le fait présumer émigré."
Le conseil considérant la véracité de ces dires et la nécessité de remettre
dans les plus brefs délais les biens, meubles et immeubles de l'émigré Viel
entre les mains de la Nation, décida d'établir à l'intention du directoire de
district une liste de ces biens et de poser sur le champ les scellés sur le
château, les appartements et les meubles qui s'y trouvaient.
Gabriel Crouzat, procureur de la commune, ayant fait remarquer le 11 août
1793, qu'avant "d'agir en exécution du décret sur la vente des biens communaux,
il y avait un préambule à remplir, car il était notoire que plusieurs
particuliers s'étaient emparés de diverses parties de ces biens et qu'il y avait
lieu de connaître ce qui appartenait à la commune avec indication des parties
usurpées...", le conseil municipal désigna à cet effet trois commissaires
chargés de vérifier les usurpations et les titres de ceux "qui allègueront jouir
de certains biens loués à la commune...". Cette charge et cette mission furent
confiées à Mathieu Lugagne, pour Lunas, au citoyen Colombier pour Caunas, et à
Jean Do pour Nize.
Les possessions de Louis Antoine Jean Viel furent achetées par Jean Antoine
Vailhe, de Lodève ».
Dans la liste des seigneurs de Lunas, page 24, on trouve :
« Jean VIEL - marquis de Lunas - de 1723 à 1742.
Louis Antoine Jean VIEL - marquis de Lunas - de 1742 à 1789 date d’abolition des
privilèges et droits seigneuriaux »
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