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MIDI LIBRE Samedi 6 juillet 1957 (transcription fidèle du texte de l'article avec ses éventuelles fautes de typographie)

Ce dimanche 7 juillet, à LUNAS

De brillantes manifestations folkloriques se dérouleront sous l’égide de la maintenance du Languedoc.

   Les fêtes qui se dérouleront à Lunas-sur-Gravezon, dimanche prochain, n’auront certes pas l’ampleur de celles du 30 juin de Pézenas. Elles marqueront toutefois le cinquantenaire de la fondation du Groupe Artistique de Lunas, c’est-à-dire « Le GAL ». C’est, vous le voyez, chers lecteurs, le théâtre qui sera honoré dans la petite cité cévenole.

   C’est bien par un caprice de prince que Molière vint à Pézenas ou plutôt par une amourette de prince, que la Grange-des-Prés abrita les amours d’Armand de Bourbon, prince de Conti et gouverneur de Guyenne et de la belle Madame de Calvimont, née Marguerite de Ségur, fille de Gabriel, seigneur de Patray et de Montbrun. La belle avait précédé le prince qui, lui, fut attendu et amené de Béziers, à la Grange-des-Prés en carrosse, par Gabriel de l’Art de Sérignan, seigneur de la Domergue. Je ne rappellerai pas les belles heures de dimanche à la Grange-des-Prés et l’accueil sympathique des châtelains dignes héritiers de Mme Billaud-Dessalles, qui nous en a marqué l’histoire.

« Le chevalet »

   C’est du « Chevalet » que je veux vous entretenir et qui sera donné dimanche à Lunas par le même groupe de Mèze qui s’y montre parfait. Il recueillit de bout en bout les applaudissements de tous et tout particulièrement de son Excellence. Il quitta en effet l’estrade officielle en habit vert pour les complimenter. Prêt de moi  une vieille piscénoise me dit" a portouno belo jaqueto !". Je lui répondis "Es de l'Académio Franceso !". Son admiration fut à son comble de l'avoir vu de si près et elle conclut par un " Boudiou ! " qui en dit long dans la gamme des expressions de chez nous.

   Le Chevalet sera donc à Lunas dimanche 7 juillet. La danse du "Chevalet" est exécutée par plusieurs danseurs dont les deux principaux sont l'homme-cheval et le donneur d'avoine. On donne à cette danse, toujours accompagnée du hautbois languedocien et du tambour, une origine fort ancienne que nous a rapportée Raymond de Muntaner en 1325. Pierre II, roi d'Aragon et souverain de Montpellier, délaissait entièrement sa femme Marie de Montpellier, plus vertueuse que belle. Les habitants de Montpellier, voyant avec peine cette indifférence qui menaçait  de laisser éteindre la race de leurs maîtres, parvinrent à l'aide d'un stratagème à faire passer une nuit au roi avec la reine, ce qui, le lendemain matin fut constaté par l'apparition, dans la chambre du roi, des consuls et de beaucoup d'autres personnes. Quelques jours après, le roi, étant à la chasse près de Mireval, se rendit auprès de la reine qui résidait en ce dernier lieu et passa de nouveau la nuit avec elle. Cette princesse ne voulant plus s'en séparer, le lendemain le prince l'a pris en croupe sur son cheval et fit ainsi son entrée dans Montpellier entouré du peuple qui témoignait sa joie avec une grande vivacité. Le roi Jacques 1er Jaume le Conquérant aurait été conçu dans cette seconde nuit. Cette danse rappelle dit-on l'entrée des deux époux. Jacques 1er naquit à Montpellier le 1er août 1208. Pierre II d'Aragon fut tué à la bataille de Muret contre Simon de Montfort, le 12 septembre 1213. L'on rencontre sur des nombreux points de la terre cette danse-cheval, mais celle du Languedoc méditerranéen  nous intéresse particulièrement. Nous l'avons vu danser par Mireval, Montpellier, Cournonterral, Fabrègues, Mèze, Frontignan, Gigean, Pézenas, Agde, Valros, Caux et Béziers. A ce jour je ne connais que Fabrègues et Mèze pour le danser.

Avec le Languedoc, la Provence et le Rouergue

   Après "le Chevalet" nous verrons évoluer les gracieuses provençales du Pontet (Vaucluse), habillées en comtadines  et qui vous entraîneront dans leurs gracieuses farandoles. C'est dans celle du roi René que maître Eyssete chante "Gais Provençaux qu'il vienne des tambourins tous ensemble nous ferons la farandole... Ah ! s'ils voulaient les peuples de la terre nous suivre dans notre entrain, nous enverrions vite les chercheurs de guerre rascla de cano e mouse de tavan. (racler des roseaux et traîne des taons)"

   Après les danses provençales nous aurons le plaisir de voir évoluer le dynamique groupe rouergat la "Gantieirelo" de Millau qui vient de remporter un succès mérité à la Sainte-Estelle de Bagnères-de-Bigorre. Le groupe est d'importance: blouse bleue, chapeau de feutre ou bonnet de dentelle, il présente: "La canson del gant". De très beaux couples, femmes en châle et robes violettes ou rouges, dansent la "Crouzado" chantent la "Filho del païsan" également il y a de petits et mignons rouergats et rouergates qui dansent très gentiment et complètent heureusement le groupe. "La Gantère de Millau" plaira auprès de nos cévenols.

   Avec nos cazedarnaises, dirigées admirablement par la poétesse Clardeluno, Lunas verra nos Languedociennes des confins du pays bas, terroir où la langue d'Oc s'est conservée dans sa pureté. Si mademoiselle Barthès cultive la poésie d'Oc, elle n'en est pas moins attachée à la conservation dans leur vraie forme  des costumes d'antan. Elle a fait éditer des cartes postales qui situent notre tradition biterroise.

   Une réunion de maintenance sans théâtre eut été incomplète. Aussi bien le Narbonnais sera représenté et mon ami Ernest Vieu, vice-syndic, maître en gai sabé, auteur acteur de talent nous interprétera, avec les "Cigalons", "La rapoutegairo" d'Abaral et le titre vous dit suffisamment ce qu'il adviendra au cours de l'interprétation d'une pièce de notre répertoire d'Oc extrêmement riche de ce côté-ci du Rhône. Nos lecteurs feront d'ailleurs ample connaissance avec ce théâtre populaire du Biterrois et de la Narbonnaise qui débuta avec le "Triomphe de Pépézut" à nos vieilles fêtes de Caritach vers 1600.

Le rallye Saint-Hubert

   La présence de cette société ne peut que présager d'une belle cérémonie en la vieille église de Lunas. L'après-midi les trompes de chasse résonneront dans cette agréable vallée du Gravezon au pied du plateau de Tresmeses où les batteries de Montmorency s'installèrent pendant trois mois  sans résultat pour avoir raison du seigneur de Faugères et Lunas dans sa puissante forteresse. Les sonneries rappelleront les grandes chasses d'antan où le terrible Claude de Narbonne venait de Faugères se reposer et se livrer à la chasse. Un vieux parchemin de 1697 qu'une main amie m'a confié précise qu'aucune sorte  de chasse et moyens, aucuns lapins conformément à la sentence arbitrale de l'an mille trois cent cinquante neuf, néanmoins serait tenu les dits habiteurs (sic) lorsqu'ils chasseront et prendront singliers (sangliers) d'apporter au dit seigneur pour le droit de chasse, la tête du dit sanglié, comme se peut étendre l'oreille droite et pour les cherfs et les cerfs et chevrils seront tenus de luy porter la tête avec l'épaule ronde adroite et le pied miravé..."

La journée félibrenne

   Voici les grandes lignes du programme de la journée félibréenne: à 8 heures réunion de la Maintenance de Languedoc à la mairie sous la présidence du syndic et en présence de l'assesseur de Languedoc Teissier, majoral, Jeanne Barthes, majoral, MM Vaylet, majoral, Vieu Ernest, Mestre en gai sabé, Beaumadier, Girard, Jougla, docteur Marc, Ros maîtres d'oeuvres... A 9 heures 30 messe de Saint-Hubert avec le rallye de Pézenas et sermon en langue d'Oc par M. le doyen Cabrol. A 11 heures défilé et vin d'honneur, réception par la municipalité. A 14 heures 30: départ en cortège vers le terrain de sports. A 15 heures: Court d'amour avec la participation de la musique l'Indépendante du Bousquet-d'Orb et Graissessac; du rallye Saint-Hubert; l'Elan Pontecien, du Pontet (Vaucluse);  "Le sourire de Cazedarnes"; "Les Cigalous Narbouneses"; "La Gantieirelo de Millau" et "Le Chevalet de Mèze". Il serait à souhaiter que quelques demoiselles de Lunas sortent des armoires parfumées de lavande, les vieux costumes des grand'mères, afin de marquer la présence cévenole à cette grande fête du terroir. On doit ajuster ces vêtements avec un soin particulièrement attentif, les porter avec naturel et même avec coquetterie discrète! Certes avec sérieux et respect pour éviter de donner la moindre impression de déguisement carnavalesque. Il s'agit de revêtir un costume racé !

   Comme pour les chants et les danses le costume porte l'empreinte locale. Le maintien de nos traditions est le plus sûr garant de l'amour du pays.

Signé: Auguste DOMERGUE, majoral du Félibrige

 

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