La mort de l'ami Jean-Marie. |
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Pendant mon enfance dans le village, nous étions quatre du même âge, nés au cours de l’année 1944 ; 2 filles : Régine Canet, Noëlle Martinez et 2 garçons : Jean-Marie Laviale et moi. Approchant le niveau du certificat d’études à l’école primaire de Caunas, nos parents respectifs recherchaient la meilleure solution pour nos futures études, en essayant de tenir compte de nos aptitudes scolaires, de nos goûts mais aussi des problèmes de logistique qui découleraient du choix retenu. En effet, suivant le lieu de l’école choisie, il fallait envisager l’internat, le trajet journalier en bus ou à vélo. Ce dernier fut vite éliminé du fait qu’il n’était envisageable que pour le collège du Bousquet-d’Orb dont ma mère conservait une très mauvaise opinion depuis le passage de ma sœur dans cet établissement quelques années auparavant. Cette possibilité exclue, il ne restait que la demi-pension à Bédarieux ou l’internat à Béziers. Cette perspective posait un vrai dilemme aux parents. Se séparer de son enfant pendant plusieurs semaines dans une pension lointaine et inconnue, faisait peur. Comment va-t-il se débrouiller tout seul ? Ne va-t-il pas languir ? Mangera-t-il à sa faim ? S’il est malade qui va le soigner ? Toutes ces questions ont amené la famille de Jean-Marie et la mienne à convenir que la meilleure solution d’internat serait que nous fassions nos études dans la même école. C’est dans cette période de réflexion que Jean-Marie est tombé malade. Une forte fièvre et un diagnostic incertain ont amené le docteur Galabru à le transférer à la clinique de Bédarieux afin de poursuivre les examens. Pensant avoir détecté une jaunisse, le traitement correspondant fut appliqué provoquant une aggravation subite de son état de santé. Une péritonite venait de se déclencher. Décelée trop tard et donc mal soignée, elle a été fatale à Jean-Marie qui devait décéder en quelques jours. Il venait d’avoir 11 ans. Cet ami m’a toujours manqué depuis qu’il nous a quittés. J’ai mis beaucoup de temps à réaliser que je ne le verrais plus, que nous ne partagerions plus nos jeux, nos joies, nos forces, nos luttes de garçons pleins de vie. Si je n’ai jamais ressenti sa disparition comme une véritable douleur affective, cette absence que je constatais à tout moment est vite devenue une gêne, presque une infirmité. Il est vrai que nous passions beaucoup de temps ensemble et qu’instinctivement chacun de nous cherchait l’autre pour partager un rire, un mot, un clin d’œil, une complicité. On dit que le manchot ou l’unijambiste ressent parfois la présence, plus ou moins douloureuse, du bras ou de la jambe qu’il n’a plus depuis longtemps. Voilà
c’est ça ! Jean Marie, c’est le membre que je n’ai plus. Aujourd’hui encore, ce
vide m’agace et me dérange quelquefois. |
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