Quand l’eau potable était au
fond du puits, la lessive se rinçait à la rivière |
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Photo d’une pompe installée à Lunas près du Gravezon |
Quel bonheur de tourner un robinet et de voir l’eau couler abondamment et sans fin comme une source dans sa cuisine. Cet émerveillement tellement incongru aujourd’hui, ma génération l’a connu, vécu, partagé, ressenti comme un grand progrès. Dès que j’ai eu l’âge de porter un arrosoir plein, c’est-à-dire vers dix ans, ma mère m’a envoyé chercher de l’eau 2 ou 3 fois par jour au puits le plus proche. Pour notre village, il y avait 2 puits communaux : le premier situé au bord de la route départementale, entre la maison de François Delmas et celle de mon oncle Aimé et l’autre au fond du village sur le chemin de la rivière après la cave de Martin. Certains propriétaires permettaient que l’on tire l’eau de leur puits. C’était le cas d’André Ricard qui possédait une pompe dans le jardin qu’il cultivait derrière la maison de Thérèse Bourgnou. Etienne Delmas, aussi, ouvrait la porte de son jardin à ceux qui souhaitaient remplir leurs seaux au puits situé au bout de la rue de la Farajole, à droite en allant vers la cave de Pierrot. Tous ces points d’eau étaient équipés d’une pompe à chapelet ressemblant à la photo ci-contre. Dès que nos forces le permettaient nous remplissions 2 cruches de 10 litres chacune à la fontaine la plus adéquate choisie en fonction de critères complexes. Ces critères allaient de la météo aux derniers avis des consommateurs en passant par la difficulté du parcours, le courage de chacun, la réserve d’énergie disponible et bien d’autres raisons dont la liste serait trop longue et de faible intérêt. Les récipients pleins étaient souvent entreposés sur le bord de l’évier et servaient à satisfaire les besoins en eau pour la cuisine, les divers lavages, la boisson, la toilette. L’incitation aux économies d’eau potable était superflue : on se lavait peu, on réutilisait les eaux peu souillées et surtout, on évitait de noyer le pastis, soi-disant pour la même raison. |
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Une autre corvée moins quotidienne, demandait aux ménagères beaucoup de temps et d’énergie, c’était la lessive qu’on appelait parfois « La bugado » le jour où il fallait laver les draps. Ce jour-là, le ou la préposée remplissait à moitié une lessiveuse, la montait sur la cuisinière ou sur un feu aménagé dans la cour, pour la faire chauffer avant d’y tremper le linge sale. Le lavage était assuré par des morceaux de savon de Marseille ou de la lessive en poudre « Persil » ajoutés à la préparation. Après avoir bouilli pendant quelques heures, il fallait rincer à l’eau claire le linge lavé. Cette opération se faisait dans le ruisseau qui traverse le village pour les petites pièces ou la rivière pour les draps. Le linge encore chaud et plein de mousse savonneuse était entassé dans une corbeille que l’on posait sur une brouette pour l’amener sur le lieu du rinçage. Cet emplacement, en bordure d’un cours d’eau, était constitué d’un trou rempli d’eau courante devant lequel la lavandière s’agenouillait pour tremper le linge et le taper à l’aide d’un battoir pour chasser le savon et les salissures. Quand tout était rincé, le linge, bien torsadé par l’essorage manuel, retournait dans la corbeille puis sur la brouette où il prenait la route de l’étendoir situé sur la route du cimetière après le jeu de boules. Là, la ménagère l’étendait sur les fils de fer tirés entre les acacias où soleil et vent lui donnaient ce parfum inimitable de linge propre. Parmi les pièces étendues il faut citer les serviettes hygiéniques, ancêtres des tampons utilisés par les femmes pendant leurs règles. Certaines commères du village ayant relevé le cycle de quelques futures mamans potentielles, surveillaient les étendoirs aux périodes adéquates pour détecter la réussite d’une fécondation pas encore annoncée par l’intéressée. C’est ainsi que l’information des naissances à venir, circulait depuis la corde à linge jusqu’au cœur des chaumières. De retour à la maison le linge sec mais froissé devait subir une dernière opération avant de retrouver sa place dans l’armoire, c’était le repassage. Je me souviens de ma sœur, posant une couverture sur la table de la cuisine, en guise de plan de travail. Puis elle allait chercher sur la cuisinière un fer chaud qu’elle approchait de sa joue pour en juger la température avant de l’appliquer sur l’étoffe fripée. Parfois, elle projetait avec ses doigts quelques gouttes d’eau sur le linge et le fer chaud crissait en glissant sur le tissu qui laissait s’échapper des petits nuages de vapeur. La « bugado » occupait, ce jour-là, la mère de famille du matin au soir, pendant la belle saison. Elle lui faisait parcourir un ou deux kilomètres : de la maison à la rivière, puis à l’étendoir, retour à la maison, à nouveau l’étendoir avant le repassage à la maison. Voilà pourquoi le « trousseau » de la jeune mariée comprenait « moult » paires de draps dans le but de limiter à 4 ou 5 fois par an cette corvée à la fois pénible mais variée et pleine de rencontres. |
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Si certaines tâches comme la lessive pouvaient se planifier sur une année pour adoucir la pénibilité des servitudes ménagères, d’autres étaient journalières par nature. Aujourd’hui, tirer la chasse après l’utilisation des toilettes prend quelques secondes et ne demande aucun effort d’attention tant ce geste est entré dans le comportement instinctif presque inconscient. Il n’est pas si vieux le temps où satisfaire ses besoins naturels se pratiquait dans un seau : un seau hygiénique ou un pot de chambre qui se cachait dans la table de nuit. Cette solution a peu évolué pendant des siècles même si dans ma jeunesse le « vase » ne se vidait plus par la fenêtre de la chambre directement dans la rue sans se préoccuper des passants. Une des occupations matinales de la mère de famille consistait à regrouper dans le seau toutes les « productions » nocturnes de la maisonnée, puis d’aller vider ce récipient qu’il fallait manipuler avec précaution. |
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Seau hygiénique |
Pot de chambre |
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C’est ainsi que tous
les matins, de 7 à 9 heures environ, les rues de Caunas étaient parcourues par
des gens tenant un seau à la main et se dirigeant ou revenant du béal de la
Coste. « Tu vas jeter le pissadou ? » était une des remarques habituelles
aussi courante que les « Comment ça va ? » échangées par les voisines qui
se rencontraient en robe de chambre, bigoudis sur la tête, parfois en
pantoufles, blouse ou tablier. A la fin des années 50, le captage des sources du Moulin, entre le hameau du Py et le terrier de la mine, a permis la distribution de l’eau potable dans chaque habitation du village. Il nous a fallu plusieurs années pour réaliser à quel point notre vie quotidienne serait chamboulée par cette évolution qui allait donner naissance à l’électroménager, les salles de bain, les W.C. La vie domestique ne sera plus jamais comme avant. |
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