Epilogue

   Autant l’avouer tout de suite, j’ai adoré l’exercice...

   Chercher au plus profond de soi les mots pour traduire le plus justement possible un souvenir d’enfant que l’on croyait oublié, c’est jouissif. Le plaisir est tellement intense, qu’on finit par avoir peur de ne pas retrouver cette magie pour l’épisode suivant. Heureusement le miracle s’accomplit à nouveau, alors on reprend confiance et page après page, le passé se reconstruit. Peu importe si la vérité historique n’est pas au rendez-vous dans son intégrité la plus pure. L’important c’est de réussir à reconstituer, pour mieux les comprendre, les éléments sur lesquels s’est bâti l’adulte que je suis devenu. Les artistes confessent souvent, que créer et jouer un spectacle, est aussi bénéfique que faire une thérapie. Si je devinais le sens de ce propos, j’en comprends mieux, aujourd’hui, le mécanisme et la réalité. Ce travail de recherche nécessaire pour retrouver le détail des faits vécus dans le passé lointain, amène en prime une meilleure compréhension de soi et procure une agréable sensation de sérénité qui malheureusement ne dure pas.

   Malgré cette euphorie, je n’ai pas eu le courage, du moins pour l’instant, d’aborder les sujets trop sensibles, ceux qui font mal rien qu’à l’idée d’imaginer la possibilité d’y penser. A ceux-là, je dis patience, votre tour viendra, plus tard. J’ai mis tellement de temps à les rendre supportables que je ne peux pas me résoudre à prendre le risque de réveiller ces vieilles blessures. Quand le moment sera venu, je le saurai. Je saurai que j’aurai acquis assez de force pour aller jusqu’au bout de l’autopsie de ces « sales moments ». Vécus comme des défaites, ils m’ont pourri la vie et il me faudra sûrement beaucoup de temps encore, pour les neutraliser. D’une façon générale, dans ce recueil, j’ai préféré m’en tenir aux souvenirs que l’enfant d’hier a transmis à l’homme d’aujourd’hui. Par chance, la nature a voulu que les bons l’emportent sur les mauvais et c’est heureux comme ça.

   Par ailleurs, je remercie Jeannette Bastide, l’épouse de Pierrot. Il m’est arrivé de lui lire par téléphone certaines de mes histoires. Ses réactions, ses commentaires, ses compléments d’information m’ont été précieux pour affiner et corriger parfois certains récits. Nos conversations longues et finalement assez régulières ont fait naître quelques textes, ravivé quelques souvenirs endormis, précisé aussi des faits devenus vagues dans ma mémoire.

   Un peu vidé mais apaisé, je me sens plus léger et heureux d’avoir pu exprimer une partie de ce magma émotionnel embarrassant parce que mal contrôlé. Il sommeillait et se cachait dans ces anecdotes jamais totalement oubliées qui ne demandent qu’à revivre à la moindre sollicitation. Peut-être un jour, l’envie de continuer ce travail salutaire, reviendra. Alors je me remettrai au piano de mon ordinateur pour jouer ou écrire une nouvelle page de cette symphonie toujours inachevée.

   « Peu importe de mourir si avant on a saisi le sens de sa vie ». Honoré de Balzac dans « La peau de chagrin »


Robert GUIRAUD 

 

    Les Amis de Lunas remercient sincèrement Robert pour leur avoir confié ses textes si attachants, nostalgiques mais aussi pleins d'espoir et d'humanité.

   Ils ont certainement réveillé chez le lecteur un subtil parfum de jeunesse, la sensation d'avoir vécu de semblables moments au sein de sa famille ou du village de son enfance.

   Nous espérons que d'autres pages viendront compléter ces anecdotes et enrichir nos connaissances sur la vie quotidienne des Lunassiennes et Lunassiens.

   Puissent ces écrits donner envie à d'autres d'effectuer cet important travail de mémoire, indispensable à la conservation et à la transmission de notre patrimoine immatériel...

 

Jeannine & Lucien

Récits de Robert Guiraud

"Les Lunassiens racontent Lunas..."