La partie de Briscan |
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Les hivers étaient longs, surtout pour mon père handicapé qui ne pouvait plus travailler, chasser, cultiver ses vignes, ses jardins, bricoler. Pour l’aider à passer le temps, les vieux du village, exclusivement des hommes, venaient à la maison, vers 16 heures, pour jouer aux cartes. S’ils étaient 4, ils jouaient à la belote ou à la manille et s’ils étaient 6, le « Briscan » s’imposait. Je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un, hors de notre canton, qui connaisse ce jeu ; je vais donc essayer de le décrire dans les grandes lignes. Les 6 joueurs se répartissaient en 2 équipes de 3 et chacune désignait son chef. Il fallait ensuite alterner, autour de la table, les membres de chaque camp afin que chacun soit encadré par l’équipe adverse. Le jeu de 36 cartes est composé par ordre d’importance de : l’as (11 points), le dix (10 points), le roi (4 points), la dame (3 points), le valet (2 points), les 9, 8,7 et 6 n’ont pas de valeur même s’ils gardent une importance liée au chiffre (le 9 reste plus fort que le 8). L’as et le dix prennent le nom de « Brisque ». Celui qui est désigné pour lancer la partie, distribue 3 cartes à chaque joueur puis retourne la carte qui suit la distribution. Ce sera l’atout de la mène. Après chaque pli, les joueurs prennent une carte dans le paquet qui n’a pas été distribué, en commençant par celui qui a remporté le pli. De ce fait, si la carte retournée qui a servi d’atout pour la partie est importante, chaque équipe essaiera de ne pas remporter l’avant-dernier pli afin de la récupérer. Si, dans la plupart des jeux de cartes, il est interdit de faire des signes à ses partenaires, au briscan, au contraire, c’est fortement recommandé pour que le chef connaisse au mieux les cartes de ses coéquipiers. Il faut cependant informer son leader avec discrétion, pour éviter d’alerter l’adversaire. Dans les signes les plus connus, pour désigner les cartes d’atout, citons : un bâillement pour l’as, un clin d’œil pour le dix, levée du pouce pour le roi, de l’index pour la dame, du majeur pour le valet. Il est aussi permis de demander l’avis de son chef, avant de jouer une carte, si un choix est à faire. A cette époque, la grande majorité des personnes âgées, parlaient entre elles en Occitan, en patois. C’est donc probablement dans ces longs « après-midi », enfumés par le tabac gris, roulé entre les doigts dans une feuille de papier Job, que j’ai appris et assimilé cette belle langue. |
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