Le territoire de Caunas est très diversifié, des ruffes sablonneuses de bauxite héritées du Permien à la vallée de l’Orb enrichie par les crues de la rivière, en passant par les faïsses des Rengues et du ruisseau de Longaignol. Son exploitation exige parfois des procédés inhabituels. C’est le cas de petits lopins de terre où mon père plantait des pois chiches car l’eau d’arrosage y est peu calcaire, des oignons doux pour la légèreté de la terre, ailleurs des pommes de terre dans un terroir qui demande peu d’entretien. La « Cèbe de Lézignan », qui peut se consommer crue en salade, est une variété d’oignons doux très gourmande en eau, mais il se trouve que la terre qui lui convenait le mieux dans notre patrimoine familial n’était pas irriguée. Par chance, à proximité, bien qu’un peu en contrebas, une petite mare, appelée ici « tane », se remplissait au printemps lors des averses. Ce type de configuration ne permettant pas un arrosage par gravité, il a fallu faire preuve d’ingéniosité. C’est ainsi que les paysans de la région ont inventé « l’asagadouïre » sorte de pelle à long manche qui sert à écoper l’eau de la mare ; puis, en prolongeant le mouvement, de la projeter en pluie sur la plantation. Ce nom vient du verbe « asagar » qui veut dire arroser en Occitan. La fin du mot se prononce « ou – i – re » en mettant l’accent tonique sur le « ou » et en escamotant le « i ». Pour compléter l’information sur l’origine de ce mot francisé par le langage populaire, il faut dire que le véritable terme occitan est « asagadoira ». Je ne résiste pas au plaisir de faire remarquer que le « a » placé à la fin d’un mot se prononce « o » chez nous. Par ailleurs il faut savoir que l’orthographe de cette langue, qui a cessé d’être celle d’une nation après le 13° siècle, est approximative et varie suivant les dictionnaires consultables aujourd’hui. Mes yeux d’enfant gardent un souvenir ébloui des ces gerbes d’eau que mon père lançait dans le ciel avec beaucoup de dextérité pour assurer un arrosage uniforme. Quand il arrêtait cette aspersion par épuisement de la réserve d’eau, le jardin semblait paré d’une multitude de perles de rosée brillant sous le soleil couchant. Bien plus tard, j’ai fait l’acquisition d’un petit bateau propulsé par un moteur hors-bord. Lancé à pleine vitesse sur la mer, il projetait des paquets de mer à chaque vague qu’il défonçait. C’est donc naturellement que je l’ai baptisé : « L’asagadouïre » tellement l’effet produit me rappelait cette image du passé. |
Dessin réalisé par ma fille Sandrine d’après une de mes exquises peu présentable... |