Vous n'ignorez sans doute pas que le maire
n'a pas toujours été élu au suffrage universel, mais qu'à certaines époques
il était nommé par les autorités en place.
Faisons le point sur le système de
désignation du maire dans l'Histoire contemporaine...
Référence bibliographique du texte qui
suit :
( par
Alexandre Tuaillon) (http://francegenweb.org/mairesgenweb/histoire.php)
1. Les avantages de la
nomination :
Il ne faut pas aller chercher très loin les avantages tirés
par le pouvoir central dans la possibilité de procéder à la nomination des
maires. Un maire nommé, c'est un maire à la botte du pouvoir. C'est un maire
dont on est sûr que sa "couleur politique" n'est pas à l'opposé de celle de
Paris. Les préfets, personnel mobile par excellence, ont donc pour charge de
trouver le maire en fonction du régime. Tantôt royaliste, tantôt
républicain, parfois bonapartiste. Le maire, tant qu'il est nommé devra donc
prêter serment de fidélité à l'empereur, au roi, au prince-président ou au
maréchal Pétain.
Qui dit nomination dit aussi révocation. A chaque changement de
régime correspond une révocation et donc une épuration du corps municipal.
La révocation est un pouvoir discrétionnaire sous le Premier et le Second
Empire. Elle se fait sur avis du Conseil d'Etat sous la Deuxième République,
par décret motivé depuis 1884 et par décret en Conseil des ministres depuis
1982. Les motifs sont donc généralement politiques. Sauf circonstances
exceptionnelles, telles que la révocation des maires communistes en 1939 et
l'éviction des maires "vichyssois" en 1944, les motifs d'ordre politique ne
sont plus suffisants pour la révocation des maires.
Il ne faut d'ailleurs pas imaginer le renouvellement des maires
dans une vision administrative à l'américaine. On est loin du "spoiling
system". De nombreux maires, pourtant nommés, vont exercer leurs fonctions
sous différents régimes. Les nombreux exemples cités par Jocelyne Georges ou
André Chandernagor en sont la preuve.
La monarchie de Juillet décide par la loi du 21 mars 1831 que les
conseils municipaux seront élus par les contribuables les plus imposés, mais
elle maintient la nomination du maire, choisi parmi les membres du conseil.
La IIe République, par le décret du 3 juillet 1848, dispose que les
maires seront désormais élus par les conseils municipaux, eux-mêmes élus au
suffrage universel. Exception pour les maires des chefs-lieux
d'arrondissement, de département et les villes de 10.000 habitants et plus,
qui continueront d'être nommés. André Chandernagor cite une lettre du
ministre de l'Intérieur, Sénard, le 1er août 1848, adressée aux préfets :
"l'article 10 du décret vous conférant le droit de prononcer la suspension
provisoire ou définitive et de demander la révocation des maires, n'hésitez
jamais à en user."
Avec le Second Empire, l'élection des conseillers municipaux est
maintenue, mais tous les maires sont à nouveau nommés soit par le chef de l'Etat,
pour les chefs-lieux et les villes de plus de 3000 habitants, soit par le
préfet pour les autres (décret du 7 juillet 1852 ). De surcroît, les maires
ne sont plus forcément choisis parmi les membres du conseil municipal. C'est
le retour à l'an VIII. Thiers dit alors " un agent destituable à volonté,
comme un sous-préfet ; pis qu'un sous-préfet, un sous-sous-préfet. Le maire,
aujourd'hui est le plus dépendant des fonctionnaires." Mais l'impopularité
des maires choisis hors des conseils est telle qu'une circulaire demandera
en 1865 aux préfets de choisir le maire de préférence parmi les conseillers
municipaux.
La IIIe République s'installant progressivement, une loi
transitoire du 14 avril 1871 décide que les maires seront élus par les
conseils municipaux (ce que voulait Odilon Barrot qui présidait la
commission chargée de la réforme communale). Mais pour les chefs-lieux et
les villes de plus de 20.000 habitants, le maire reste nommé. Pendant 10
ans, le mode de désignation du maire évolue au gré des majorités. Tendance
monarchiste, le maire est nommé, tendance républicaine, le maire est élu.
En résumé, de l'an VIII à 1831, sous le Second Empire, puis sous le
gouvernement de "l'ordre moral", le choix du pouvoir peut porter sur une
personne non-membre du conseil municipal.
Vichy rétablira la nomination des maires, mais aussi des
conseillers municipaux dans toutes les communes supérieures à 2000
habitants. Cette parenthèse se referme en 1944 et les maires et conseillers
municipaux sont à nouveau élus partout sauf à Paris.
2. L'élection du maire :
Mais le maire a ceci de particulier qu'il est pris en tenaille.
D'un côté les autorités de l'Etat qui le considèrent avant tout comme un
fonctionnaire local, de l'autre la population qui le voit comme son
représentant.
Le maire se retrouve donc confronté à un réel problème de
légitimité. De qui dépend-il vraiment ? En tant que fonctionnaire nommé, il
dépend du préfet ou du chef de l'Etat selon les époques et l'importance de
sa ville. En 1692, Louis XIV avait introduit la vénalité de la charge, afin
de combler les caisses de l’Etat. Mais le dimanche, au sortir de la messe, il
est harangué par ses administrés. La pression populaire a donc contribué à
faire admettre le principe de l'élection pour la désignation du premier
magistrat de la ville. Guizot y était fortement opposé durant la monarchie
de Juillet. Un maire élu par ses concitoyens, explique-t-il à ses collègues
députés, c'est un maire qui risque d'échapper à la tutelle de l'Etat.
Mais le 28 mars 1882, la grande loi sur l'organisation
municipale (qui nous régit encore) est votée, et le maire est
définitivement élu par le conseil municipal. Afin d'éclairer le choix des
électeurs, il est convenu que la tête de liste aux élections municipales
sera normalement la personne que les futurs conseillers municipaux
choisiront pour maire. Le pouvoir central va alors constater que Guizot
avait raison. Le maire ne dépendant plus pour son renouvellement à la tête
de la ville, que de ses électeurs, il va se faire un défenseur de plus en
plus zélé des intérêts locaux. Pour Maurice Aghulon, c'est à cette époque
que l'on peut dater les premières tournées offertes par le maire à ses
administrés dans les bistrots.
Le maire allait devenir un notable, renforcé dans sa
légitimité grâce à l'onction du suffrage universel. |