En mai 2019, les Amis de
Lunas recevaient ce courriel d'un archéologue, Yves Manniez, de l'Inrap
Méditerranée :
"
Parmi du matériel que je dois étudier se
trouve une faucille en fer trouvée en fouille qui semble assez récente
puisqu'elle porte en creux le début d'un nom AUBAG[ne], je suppose celui du
forgeron puis l'indication LUNAS FR[ance]. Je souhaiterais savoir si vous avez
des informations sur ce personnage et sur sa période d'activité. Je vous
remercie d'avance pour l'attention portée à ma requête."
Nous apprenions ainsi que les
outils fabriqués par le taillandier étaient estampillés et donnions à cet
archéologue les éléments sur l'état-civil de Pierre Aubagnac lui permettant de
mieux situer l'artisan dans l'histoire...
En remerciement Yves Mannier
nous a transmis l'article qu'il a écrit sur la faucille et autorisés à le
publier sur le site. |
|
Note sur une
faucille du XIXe s. fabriquée à Lunas
Yves Manniez (1)
À l’occasion de fouilles programmées menées par Agnès Bergeret sur
le site de Saint-Vincent de Soulages (commune de Saint-Maurice-Navacelles,
Hérault), une faucille de grande taille (objet n° 71) a été mise au jour dans
les derniers niveaux d’occupation (2) .
Cette faucille se caractérise par une longue lame qui forme avec le
manche un angle très ouvert. L’extrémité distale a disparu et la soie, qui est
complète, a été déformée. Elle correspond à l’instrument nommé oulam, voulan ou
voulam dans l’Aude, dénominations qui sont les formes occitanes du terme
français volant. L’exemplaire retrouvé à Saint-Vincent est à rapprocher du
modèle ancien de cette grande faucille qui servait à moissonner. En Minervois,
la faux n’a détrôné le volant qu’à partir de 1880. À Cabrespine (Aude), on l’a
utilisé pour couper les blés jusque vers 1900 (3).
Ce volant a la particularité de conserver le poinçon de l’artisan qui l’a créé.
Sur la partie rectiligne en fer située dans le prolongement du manche en bois,
on peut lire l’inscription suivante qui se développe sur deux lignes et qui
présente une lacune dans sa partie droite : AUBAG[…] puis LUNAS FR[…].
Une recherche en archives nous a permis de retrouver le nom du
forgeron. Il s’agit de Pierre Aubagnac, né le 12 octobre 1814 au Bousquet-d’Orb
(Hérault).(4)
Ce personnage s’installe à Lunas (Hérault) après son mariage et
fait construire un moulin, dit « du taillandier » aujourd’hui en ruines. Il
apparaît d’abord comme maréchal-ferrant dans cette commune en 1840, puis comme
forgeron en 1851. Il semble ensuite orienter son activité vers la fabrication
d’outils car il est désigné comme taillandier en 1856, 1861, 1872, 1886 et
encore en 1895, année de son décès. Il est toutefois probable qu’il n’exerçait
plus en 1886 car, à son époque, son fils Félicien, qui travaillait auparavant
avec lui, est alors négociant.
Il est donc probable que la faucille retrouvée à
Saint-Maurice-Navacelle, soit une quarantaine de kilomètres de Lunas, ait été
forgée entre 1856 et 1886.
1 - Yves Manniez, archéologue chargé d’étude, spécialiste
de l’instrumentum, Inrap Méditerranée, Nîmes.
2 -Les données relatives à cette fouille seront publiées prochainement, sous la
direction d’Agnès Bergeret (Inrap) dans la revue Archéologie du Midi Médiéval.
3 -Cros-Mayrevieille F., Les premiers résultats de l’enquête sur l’outillage
agricole ». Folklore, tome 3, n° 2 juillet-décembre 1940, p. 42-45.
4 - A.D. Hérault, registres de recensement de Lunas de 1851, 1861, 1872, 1881 et
1886 ; 5 Mi 33/12 (acte du 18 février 1840) ; 5 Mi 47/9 (acte du 4 mars 1895).
Nous remercions M. Lucien Osouf de l’association « Les Amis de Lunas » qui nous
a fourni des compléments d’informations sur Pierre Aubagnac et sur son moulin. |