Hippolyte CHARAMAULE

   Hippolyte CHARAMAULE entre dans l'histoire locale en 1829, année où il épouse Pauline OLLIER, la fille unique de Fulcrand OLLIER, juge et notaire à Lodève, qui lui apporte en dot le château de Lunas. S'il l'on se souvient de lui à Lunas comme donateur de la vierge du Redondel, initiateur de la construction du pont de l'église, on ignore souvent qu'il connut une brillante carrière politique sous Louis Philippe et la seconde République.

Un brillant avocat devient député

 

   Né à Mèze (Hérault) le 13 avril 1794, Hippolyte, Melon, Victor CHARAMAULE, étudie le Droit et devient un brillant avocat du département. Les idées démocratiques qu'il professe ne nuisent pas à sa notoriété : se présentant comme candidat de l'opposition, il est élu le 5 juillet 1831, dans le 2ème collège de l'Hérault (Montpellier).

  Il prend place à l'extrême gauche, s'associant à toutes les actions de ce groupe contre la politique ministérielle. Le 21 juin 1834, il se présente dans le 6ème collège de l'Hérault (Lodève). Il sera battu par M. Fumeron d'Argueil (148 voix contre 141... ). Après annulation de l'élection, le 20 septembre, il l'emporte sur son adversaire avec 155 voix contre 144. Redevenu député, Hippolyte Charamaule continue de voter avec l'opposition démocratique et de combattre le parti doctrinaire.

   Le 4 mars 1839, il obtient encore sa réélection contre le même adversaire (205 voix contre 192). Ces scores serrés et l'annulation de scrutin laissent supposer des campagnes électorales probablement agitées.... Il restera député jusqu'en 1842.

Hippolyte CHARAMAULE , ardent défenseur de la liberté de la presse... cliquez

 

Un acteur politique de terrain

   En 1842 il ne se représentera pas à la députation. L'état de santé de son épouse l'incite à éviter les longs séjours à Paris. Il en profite pour se consacrer à une action politique plus locale. Dans l'Hérault, il mène la lutte contre le système représenté par Guizot. Il se déclare à maintes reprises pour la réforme électorale et prend une part active à la  "campagne des banquets". C'est à son initiative et sous sa présidence qu'eut lieu celui de Montpellier le 2 décembre 1847.

   A la Révolution de février 1848, Hippolyte Charamaule adhère à la République. Il la proclame à Montpellier au titre de président de la commission exécutive qui s'était formée à l'Hôtel-de-Ville.

   Il est nommé commissaire du gouvernement provisoire (fonction équivalente à celle de préfet) de l'Hérault le 10 mars 1848. Dans ce rôle, son attitude et ses procédés administratifs indisposent le parti. Suites aux reproches qu'il lui adresse, Ledru-Rollin, le remplace par Jacques Brives (1800-1889) le 21 mars 1848, son futur collègue à la Constituante.

Un homme engagé

(photographie Em. ISARD - Montpellier Collection Ph. de Firmas)

   Aux élections du 23 avril 1848, les Républicains modérés le proposent comme candidat, le mettant à la 3ème place sur 10.  Devenu  membre du comité de législation, il se fait remarquer par ses prises de parole à l'Assemblée. Le nom d'Hippolyte Charamaule reste attaché à divers amendements notamment ceux visant à assurer la liberté de la presse.

   Il vote les :

   -  9 août 1848, puis le 20 avril 1849 contre le rétablissement et le maintien du cautionnement des journaux.

   -  18 septembre 1848, aux côtés de Victor Hugo, pour l'abolition totale de la peine de mort (en février 1848, le gouvernement provisoire de la Seconde République a aboli par décret la peine de mort en matière politique. En septembre, un débat s’ouvre sur la question d’une abolition totale. Ce projet échoue)

   - le 7 octobre 1848 pour l'amendement Grevy (cet amendement s'opposait à l'élection du président de la République au suffrage universel, refusant ainsi de légitimer le pouvoir d'une seule personne au-dessus de tout,  dans l'exécutif)

   - le 22 janvier 1849 contre le renvoi des accusés du 15 mai devant la Haute-Cour. (le 15 mai 1848 plusieurs députés d'extrême-gauche, (Blanqui, Barbes, Raspail) à la tête de 50 000 parisiens manifestent en faveur d'une intervention française en Pologne. Ils investissent l'Assemblée Nationale. Les meneurs seront arrêtés)

   Toutefois,  sur de nombreux sujets, Hippolyte Charamaule se rapproche de la majorité de droite, votant :

   -  les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière ;

   -  le rétablissement de la contrainte par corps ;

   -  l'interdiction des clubs ;

   -  l'expédition de Rome...

    Le 13 mai 1849, réélu représentant à l'Assemblée Législative, il figure en tête de liste, avec 37 675 voix ( 82 706 votants, 125 152 inscrits) et prend place dans les rangs de la majorité conservatrice. Cependant il se sépare fréquemment de ses voisins de droite pour voter avec la minorité ce qui a fait dire à Victor Hugo:

   " Charamaule est un homme de haute taille à la figure énergique et à la parole convaincue; il votait avec la gauche mais siègeait parmi la droite. A l'Assemblée il était voisin de Montalembert et de Riancey. Il avait quelquefois avec eux de vives querelles que nous voyions de loin et qui nous égayaient " (Victor Hugo - Histoire d'un crime)

Un opposant actif au Coup d'Etat du 2 décembre 1851

   S'étant déclaré favorable au maintien de la constitution républicaine il combat, aux approches du Coup d'Etat, la politique de l'Elysée.

   Le 2 décembre 1851 il est de ceux qui descendent dans la rue pour tenter de s'opposer au coup de force du président Louis Napoléon Bonaparte. Avec Edgar Quinet, Baudin, Théodore Bac, ... il participe à la réunion du 70 de la rue Blanche où, autour de Victor Hugo, des représentants arrêtent un plan de résistance.

   " Charamaule montra dès les premiers moments un courage qui, dans les quatre journées de la lutte, ne s'est pas démenti un seul instant ... Charamaule arriva à la réunion du numéro 70 vêtu d'une sorte de caban militaire en drap bleu, et armé, comme nous le vîmes plus tard. "   (Victor Hugo - Histoire d'un crime- tome 1)

   Avec Victor Hugo, il suit les boulevards du Temple et Saint-Martin essayant de soulever la foule contre le Coup d'Etat et  se rend aux barricades. Baudin y sera tué.

   Après 4 jours d'une lutte qui n'aboutit pas, il va même jusqu'à proposer une action suicidaire.

 Textes de Victor Hugo où il est question d'Hippolyte Charamaule... Cliquez

   Les manifestations contre le Coup d'Etat ne concerneront pas que la capitale. L'Hérault est l'un des départements où les réactions furent les plus vives.

    Dès le 3 décembre, la presse provinciale relate les évènements qui se déroulent à Paris. Les Républicains organisent immédiatement la résistance.

    A Montpellier 200 arrestations préventives ont lieu le jour même. C'est l'ouest du département qui connaîtra manifestations et affrontements.

    A Béziers, le 4 décembre, la troupe ouvre le feu sur 4000 hommes  marchant sur la sous-préfecture. Il y aura 10 tués et 60 blessés.

    A Capestang  les Républicains tiendront la ville jusqu'au 10 décembre (plusieurs gendarmes seront blessés, le curé tué).

    A Bédarieux, lors de l'attaque et de l'incendie de la gendarmerie, 3 gendarmes  et plusieurs civils seront tués.

   Le 5 décembre l'état de siège est proclamé dans l'Hérault. L'armée rétablit l'ordre à Bédarieux  et à Campestang. 3023 arrestations auront lieu dans l'Hérault. La répression sera sévère. Le préfet fait libérer 360 internés, ramenant à 2663 le nombre des prisonniers.

  Entre le 5 février et le 10 avril 1852 :
    - 97 (dont 20 contumaces) seront renvoyés devant les conseils de guerre ;
   - 10 (dont 2 contumaces) seront condamnés à la "transportation" à Cayenne ;
   - 1574 (dont 280 contumaces) seront condamnés à la "transportation" en Algérie ;
   - 37 (dont 6 contumaces) seront expulsés de France ;
   - 9 (dont 2 contumaces) seront condamnés à l'éloignement momentané du territoire ;
   - 42 (dont 3 contumaces) seront condamnés à l'internement avec obligation de résider ;
   - 15 seront renvoyés en police correctionnelle ;
   - 879 seront libérés dont 327 placés sous surveillance de la police.  (D'après M. BARBIER)

    Après l'échec de l'opposition, Hippolyte Charamaule se retire à Lunas où il reprend le droit. Sa participation aux manifestations de décembre 1851 l'écarte de la vie politique. Il échappe à l'exil que connurent 70 députés républicains, dont Victor Hugo.

   Le  1er juin 1863, il brigue un dernier mandat comme candidat de l'opposition au corps législatif dans la 1ère circonscription de l'Hérault : il échoue, n'obtenant que 3 116 suffrages contre 19 631 à l'élu David Pagézy, maire de Montpellier et candidat officiel.

   Rentré dans la vie privée, Hippolyte Charamaule fut rappelé à l'attention publique le 27 mai 1879 lorsque Victor Hugo posa, sans succès, la candidature de son ancien collègue à un siège de sénateur inamovible.

   Hippolyte Charamaule est mort le 23 janvier 1886 à Lunas, dans sa 92ème année.

 Chronologie simplifiée des évènements de 1830 à 1852  cliquez...

(documentation réunie par J. et L. Osouf 2005)

Bibliographie

Sur  Hippolyte Charamaule :

de FIRMAS Philippe (2005) - Une AOC familiale, l'alliance OLLIER-CHARAMAULE

HUGO Victor (1877) - Histoire d'un crime, tome1-

LETOUZEY et ANé (1959) - Dictionnaire de biographie française  - tome 8.

MILLAUD Albert (1874) - article dans le FIGARO du 27mai.

ROBERT A. et COUGNY J. (1889) - Dictionnaire des parlementaires français, tome II- Bourloton éditeur - Paris.

Biographie des 75O représentants à l’Assemblée législative élus le 13 mai 1849 - Pagnerre, Paris 1849.

Biographie des 900 députés à l’Assemblée nationale - Paris 1848.

Petit Méridional (Le) du jeudi 28 janvier 1886 - (7 Pluviose An 94) - article non signé.

Revue des Contemporains - biographie et nécrologie des hommes marquants de l’époque par une Société de gens de lettres - Paris, rue de Sèvres,37.

Sur le coup d'Etat du 2 décembre 1851 dans l'Hérault :

BONET G. (1986) Document pour servir à l'histoire du coup d'État du 2 décembre 1851 à Montpellier (témoignage d'Eugène Guiter), dans Études sur l'Hérault, n° 2, 1986 et n° 3, 1987.

BARBIER Michel (1993) - Les transportés en Algérie de décembre 1855 - recherches aux Archives Départementales de l'Hérault 39M 140 à 200 ( bulletin du GAMT n°41).

RICHARD Jean-Claude (1994) - Bédarieux, le coup d'Etat du 2 décembre 1851 et les partis de l'ordre : une médaille locale de 1851-1852 - Bulletin de la Société Archéologique et Historique des Hauts Cantons de l'Hérault N° 17, ISSN 0182 - 3876

Figures lunassiennes