Le Vivier

   Ce dispositif, datant probablement du XVII ou XVIIIème siècle, était la propriété du Château. Il permettait de capter les eaux d'une puissante source (débit constant de 300 m3 / heure, eaux peu calcaires et toujours claires) située sous l'actuelle route de Lodève et de l'utiliser pour alimenter un bassin.

   Initialement, il consistait en une pièce d'eau close entre des murailles hautes d'environ 2 mètres. Cette enceinte, de forme polygonale pour une surface approximative de 170 m², hébergeait truites, anguilles et écrevisses destinées à la table du seigneur. On y accédait depuis la route de Lodève par un escalier de 24 marches.

   Son trop-plein s'écoulait par un béal permettant d'irriguer un jardin planté d'arbres fruitiers avant de rejoindre le Gravezon (au niveau de la chaussée appelée aujourd'hui "chaussée de la gare").

   Sur le cadastre de 1827 on retrouve le plan du Vivier :

    A : bassin ; B : béal d'évacuation des eaux ; C : déversement dans la Gravezon au-dessus de la pansière (ou chaussée).

    Vers 1855, Hyppolite CHARAMAULE apporte quelques modifications :

      -  construction d'un second bassin, plus petit ;

      - création d'un aqueduc inclus dans la chaussée, amenant les eaux du Vivier au béal du château.

   La source du Vivier fournit des " eaux vives et fraîches ... pures de tout mélange " (sic Charamaule). Des jeux de vannes judicieusement disposés assurent un débit constant pour les utilisations en aval (moulin des pipes, irrigation de la Prade...) qui échappent ainsi aux variations du débit du Gravezon.

   Ci-dessous, on retrouve ces aménagements cartographiés sur le plan (établi vers 1860) du projet d'implantation de la ligne de chemin de fer : nouveau bassin (A), aqueduc inclus dans la pansière figuré en pointillés (B), vanne d'alimentation du béal par le Gravezon conservée (C).

   Sur le bassin principal (D) est noté le nom "Fulcrand OLLIER". Cette mention rappelle que le château et ses dépendances lui appartenaient initialement et qu'ils firent partie de la dot de sa fille Pauline qui épousa Hippolyte Charamaule en 1829.

   Dans la nuit du 12 au 13 septembre 1875, un épisode cévenol provoque une importante crue qui, associée aux eaux de ruissellement, entraîne l'éboulement partiel du talus de soutènement de la voie ferrée. Ce remblai (de 12 mètres de haut) avait été réalisé à partir des déblais du creusement du tunnel voisin. Il n'était maintenu, le long du béal, que par un mur de pierres sèches de 2 mètres de haut...

   Une grande quantité de matériaux obstrue le béal au niveau du débouché de l'aqueduc. Les eaux du Vivier ne peuvent plus s'écouler : les bassins débordent, les murs d'enceinte (hauts de 3 mètres, épais de 75 centimètres) sont renversés sur 84 mètres ; les arbres fruitiers déracinés sont emportés...

   En octobre 1876, H. Charamaule fait couvrir le béal, à sa sortie de l'aqueduc,  sur une longueur de 11 mètres pour le protéger d'un nouvel effondrement (photo de gauche).

   Le procès avec la compagnie des chemins de fer du Midi, qui ne veut pas reconnaître sa responsabilité, dure jusqu'en septembre 1881.

   Dans la décennie 1950, la source est acquise par la commune pour réaliser la première adduction d'eau potable du village. Un réservoir, jouant le rôle de château d'eau, est construit en 1958 sur la pente du tènement de Pouget. L'eau, pompée dans le bassin de la source, y est amenée avant de redescendre par gravité aux robinets des habitations grâce à un réseau de canalisations mis en place entre 1960 et 1970.

   Lorsque des analyses révèlent la présence de "bactéries de putréfaction" (peut-être liée à la situation de la source en milieu urbain),  la municipalité décide d'abandonner le Vivier pour se mettre en conformité avec la nouvelle législation sur la protection des sources. En 1987, le captage de Veyrières prend la relève.

   La création des tennis entre le Gravezon et la route de Lodève entraîne la disparition du site : les bassins disparaissent sous des dalles de béton pour faire place aux annexes des cours.

   L'eau du Vivier, canalisée et busée, après franchissement du Gravezon dans son aqueduc, retrouve sa destination initiale, la Prade, où désormais, elle alimente le plan d'eau de la base de loisirs, avant de rejoindre enfin la rivière...

Le Vivier vu du pont Neuf. Carte postale édition Montagnol, d'après une photographie d'Ernest Boulouys, vers 1910.

Chemin longeant le béal (à gauche, non visible), au fond (dans l'axe du chemin) le talus de la voie ferrée, à droite la chaussée -

(photographie d'Ernest Boulouys, vers 1900).

Merci à Philippe de Firmas qui a mis à notre disposition des documents de son trisaïeul (H. Charamaule).

(J et L Osouf décembre 2014)

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