Biographie de Fulcrand OLLIER (2ème volet de 1789 à 1801)

  Le voyage à Toulouse...

   Toute une correspondance de mai 1789 nous apprend qu’il dut se rendre à Toulouse à cette époque-là. Face à l’anarchie qui régnait, certains confrères notaires se permettaient d’aller instrumenter où bon leur semblait. Fulcrand Ollier fut nommé syndic pour ses confrères et alla à Toulouse plaider leur cause et demander que ce désordre cesse. Cela dura un bon mois. Il logeait chez Monsieur Lagarrigue, procureur au parlement de Toulouse. Sans autre mention de rue ou place, cela arrivait et il recevait là son courrier.  Il eut, dans cette affaire, l’appui des notaires de Sommières, Limoux, Trèbes, Montpellier, Lodève, Vic-en-Bigorre, Saint-Jean-de-Gardonenque, Albi, Castelnaudary, Saint-Hippolyte-du-Fort, Béziers, Mèze, Alès… Comme on le voit le mal était plus que local ! Il eut gain de cause et sa réputation de notaire et d’avocat s’en trouva grandement renforcée. Marie Vaillé, son épouse, lui donnait des nouvelles de la maison, du cabinet et des affaires, ainsi que de sa santé qui commençait à s’altérer.

La société Ollier et Compagnie...

   En date du 10 mai 1792 se crée une société : Ollier et Cie, fabrique de drap, composée de Catherine vaillé (belle-soeur de Fulcrand), Joseph Etienne Fabre (second mari d'une autre belle-soeur, Angélique) et Fulcrand Ollier comme associés. Le livre journal, très complet, commence par ces mots : « Sit nomen Domini benedictum » (Que le nom du Seigneur soit béni). Il indique les versements, des différents associés. Catherine vaillé assure le secrétariat et la comptabilité. Elle y met un soin particulier : à chaque facture correspond une lettre de change, cousue à celle-ci avec un fil blanc. Ainsi nous suivons :  les apports des associés ; les achats de laine en différentes foires : Sommières, Montagnac, Pézenas… et chez certains particuliers notamment de Clermont : les frères Beaumes, les sieurs Lugagne, Joseph Maistre … ;  les ventes de pièces de drap ; l’achat des fournitures : huiles, savons, chevaux …  Bref, l’époque était propice : il fallait habiller les troupes et Lodève, qui, depuis le Cardinal de Fleury, jouissait d’un quasi-monopole dans cette fourniture, avait une belle carte à jouer. Cette activité ne dura malheureusement pas : le 26 germinal an III (mars 1794), Fabre, l’un des associés, s’étant retiré de la société, « Nous avons tous été d’accord de la dissoudre », dit un compte-rendu. « En conséquence nous avons partagé avec la plus grande exactitude, toutes les laines filées, de même que les huiles, savons, colles etc… et généralement tout le fonds de magasin..." On en retrouve trace dans les archives laissées.

L'acquisition de biens nationaux...

    En cette même année 1792 se présente une opportunité : la vente des biens nationaux provenant d’émigrés, faite par les commissaires de la Convention. Maître Ollier se porta acquéreur sur la commune du Bosc (près de Lodève) et sur celle de Loiras, des biens de Catherine Castanier, veuve Poulpry, ci-devant comtesse, émigrée (ancienne propriétaire de la manufacture de Villeneuvette qu’elle avait vendue en 1768 à Raymond Ronzier).

   Les conditions de vente furent intéressantes parce que payée en assignats et sur dix ans ; néanmoins il fallut pour certaines parcelles jusqu’à vingt feux d’enchères pour que le notaire l’emporte. Ces biens comprenaient au Bosc, le château, puis différents terrains en bois, champs, vignes et olivettes ainsi que des bâtiments d’exploitation. Le total de cette acquisition, sans compter les frais d’enregistrement, se monte à 87 500 livres.

   Le siècle s’achevait. Napoléon semblait vouloir donner un peu plus de stabilité à la France et réorganisait la vie administrative, publique et judiciaire.  Il avait fallu passer des « livres » aux « francs » et surtout substituer à l’ancien système de mesures très chaotique, le nouveau système métrique. Que d’adaptations auxquelles Ollier dut faire face ! Que nous réserveraient les années 1800 qui commençaient ? Combien de joies ou de peines allions-nous connaître ? Âgé de 48 ans Ollier était confiant : l’ordre était revenu, l’étude prospérait, les plaidoiries se succédaient et, depuis peu, les séances au tribunal puisqu’il venait d’être nommé juge à Lodève.

Le décès de  Marie Ollier née Vaillé, le 9 septembre 1801

   Tout aurait été pour le mieux si, brusquement, Marie, son épouse, n’était tombée gravement malade. Elle avait bien eu des motifs de se plaindre de sa santé, notamment lorsqu’il s’était absenté pour aller plaider à Toulouse, mais rien de comparable avec ce qu’elle ressentait à présent. La médecine a fait beaucoup de progrès en 200 ans. On reste confondu devant la longue ordonnance écrite à la plume d’oie, établie par le Professeur Broussonnel de la faculté de médecine de Montpellier, consulté après avoir épuisé les thérapies locales. Jugez plutôt :

   « Madame Ollier jouissait d’une santé très solide n’ayant jamais éprouvé aucun dérangement. Parvenue à l’âge de quarante et quelques années, ses règles cessent et il se manifeste quelques légères affections hystériques.

   La respiration étant devenue gênée soit lorsque la malade fatiguait ou même par accès lorsqu’elle gardait le repos : on attaqua cette lésion par des saignées répétées et des purgatifs. Cependant l’état de Madame Ollier a empiré. La difficulté dans la respiration a augmenté et les accès ont été plus rapprochés. Souvent même elle s’est vue prête à suffoquer et perdant connaissance. Cet état qui revient surtout pendant la nuit, s’annonce par un mouvement qui part très rapidement de la région hypogastrique et se propage jusqu’à l’estomac, monte souvent à la gorge.

   D’après ce que nous avons recueilli des réponses de Madame Ollier et l’examen attentif que nous avons fait de sa situation nous pensons qu’on ne peut méconnaître un asthme hystérique dont les paroxysmes présentent quelque chose de périodique. Les poumons affaiblis par des saignées répétées, peut-être par un vice de famille, sont devenus la partie sur laquelle la matrice a exercé sa funeste influence à la cessation des règles, aussi observe-t-on de la périodicité dans le retour des accès.

   Le traitement de cette maladie doit porter sur deux points essentiels : le premier consiste à relever le ton des organes pulmonaires afin qu’ils ne continuent à être la partie sur laquelle se dirige la fluxion et le mouvement des humeurs. Le second objet doit être de porter ailleurs cette même fluxion. Pour parvenir au premier des deux buts : on augmentera l’énergie de l’estomac par des secousses réitérées que procurera l’ipecamenta à administrer de la manière suivante tous les quatre jours :

    Dans deux tasses d’eau bouillante jeter en infusion 15 grains d’ipecamenta en poudre 2 scrupules d’écorce d’orange amère, laisser infuser toute une nuit ; le lendemain on prendra de cette infusion, après l’avoir secouée pour suspendre l’ipecamenta ; une cuillerée à bouche de cinq minutes en cinq minutes jusqu’à ce que les envies de vomir surviennent. On les aidera par quelques cuillerées de plus jusqu’à ce que la malade ait vomi une ou deux gorgées : on s’arrêtera alors.

    On commencera pour le premier jour de donner en une seule fois toute la dose d’ipecamenta afin de nettoyer l’estomac. Le soir on fera passer un lavement simple. Ces lavements que l’on voudra médicamenteux en faisant bouillir des herbes telles que : la chicorée, paritaire, mauve etc… seront mis en usage toutes les fois que Madame aura resté plus de douze heures sans aller à la selle.

    La malade portera habituellement, sur le creux de l’estomac, l’emplâtre suivant de la grandeur de la paulme de la main : Thériagne vieille, 3 feuilles  -  Galbarum, 7 feuilles - Opium, 5 feuilles - Camphre, 7 feuilles. Les aliments de facile digestion, les boissons froides seront très avantageuses. Dans 20 jours on suspendra l’usage de l’ipecamenta, on lui substituera la potion suivante à prendre par cuillerée dans la journée d’heure en heure : dans deux verres d’eau, faites bouillir 2 gros kina concassés, 20 grains de cachou, ajouter en retirant le pot du feu, un morceau d’écorce d’orange amère, une pincée de fleurs de tilleul. On déplacera le centre de la fluxion par les bains de pieds, les demi lavements donnés à la Méthode de KEMPF, c’est-à-dire après avoir nettoyé les gros intestins avec un lavement simple, on injecte un second à demi seringue et composé avec une décoction de laitue, de chicorée, de cresson, de carottes, de patience, de saponaire et d’une infusion de fleurs de camomille et de tilleul. On ajoutera à ces remèdes (que l’on variera selon l’occasion), les frictions sèches sur l’intérieur des cuisses et sur le bas ventre, les bains de vapeur sur un siège, des petites doses de crème de tartre et fleur de soufre, passant ensuite aux pilules d’Anderson. Enfin l’application de sangsues à la marge de l’anus, un vésicatoire volant sur les extrémités inférieures et un second cautère à la cuisse. On soulagera la malade dans le moment de l’accès en lui frictionnant les bras avec une brosse ou quelquefois avec la teinture de cantharide. Ces frictions pourraient s’étendre sur le sternum en lui faisant avaler quelques gouttes d’éther sur du sucre, faisant respirer la vapeur de quelques gouttes de baume (... ? ...) dont on a frotté la paume de la main. C’est en adoucissant ainsi les attaques, c’est en combattant les causes du mal que nous avons tout lieu d’espérer qu’on parviendra à la soulager et bientôt après à la guérir. L’âge de la consultante, le peu de temps depuis lequel elle est malade doivent lui donner les espérances les plus rassurantes que nous serions aise de réaliser. 

                                    à Lodève le 9 vendémiaire An X,  Broussonel professeur »

    Au dos de l’ordonnance le pauvre Fulcrand Ollier mentionne : « Pour ma chère défunte épouse »

    Le coup était rude, d’autant plus qu’Adélaïde, épouse Miquel,  sœur de Marie Vaillé, agonisait la même année, atteinte du même mal ainsi qu’en témoignent les lettres du beau-frère et qu’Angélique son autre sœur, épouse de Joseph Etienne Fabre, mère de Magdeleine, Angélique, Jeanne et d’Angélique, Adélaïde les rejoignit peu de temps après. Trois sœurs sur quatre disparues en deux ans, vraiment la famille Vaillé était éprouvée ! …

     Comment Ollier se remettrait-il de ce mauvais coup du sort ?  Une fois de plus sa descendance ne paraissait pas assurée du tout. En aurait-il une et comment ?

source : "Les châteaux de Lunas, seigneurs et châtelains" Ph. de Firmas - 2023 - édition Gravenize                                                                                                

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